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Chapelle de Paris, de Notre-Dame de Chartres, des cathédrales de Tours et de Bourges, qui datent de la fin de la première moitié du XIIIe siècle. Voici (fig. 23) un panneau tiré d’une des verrières de cette cathédrale de Bourges, et qui représente le martyre de saint Étienne. Il est difficile, dans un petit espace, de mieux exprimer, par la composition, la scène de la lapidation du saint. Les gestes sont exprimés avec une vérité absolue. Les personnages, cependant, conformément à notre précédente observation, se détachent autant que possible sur le fond, tout en formant groupe. Le dessinateur ne s’est pas astreint d’ailleurs à rester dans les limites du cadre, il les franchit ; ce qui contribue encore à donner plus de vivacité à la scène. Plus rien d’archaïque dans les plis ; leur dessin est fidèlement interprété d’après la nature. Les vêtements sont ceux du temps, et abandonnent les traditions byzantines encore si marquées dans les draperies des personnages sculptés et peints vers la fin du XIIe siècle.

Ces qualités nouvelles sont surtout appréciables dans les vitraux de notre école de l’Île-de-France, toujours contenue, même dans les œuvres les plus ordinaires. Les vitraux de la sainte Chapelle de Paris, si remarquables comme effet d’ensemble, ont dû être exécutés avec une grande rapidité ; y découvre-t-on aussi bien des négligences : verres mal cuits, sujets tronqués, exécution souvent abandonnée à des mains peu exercées. Cependant on peut reconnaître partout la conception d’un maître dans la composition des cartons. Les scènes sont clairement écrites, les personnages adroitement groupés ; le dessin est parfois pur et le geste toujours vrai. Ce guerrier assis (fig. 24) en fournit la preuve, bien que l’exécution des détails soit insuffisante. Il faut avoir eu entre les mains un grand nombre de vitraux, les avoir analysés, pour ainsi dire, pièce par pièce, pour se rendre un compte exact des procédés de cet art. La lumière translucide dévore si facilement les parties opaques, comme les fers, les plombs, et les traits chargés, que le peintre doit tenir grand compte de ce phénomène. Or, ce n’est pas en élargissant les ombres outre mesure qu’il peut combattre cette influence de la lumière, car alors il n’arrive qu’à faire des taches obscures qui détruisent la forme, au lieu de l’accuser[1]. Cependant, malgré cette l’acuité dévorante de la lumière, le moindre trait faux, à côté de la forme, choque plus les yeux qu’il ne le ferait sur une peinture opaque. Ce qui démontre que si délicats qu’ils soient, les traits, dans la peinture sur verre, ont leur valeur. S’ils sont à leur place, à peine les aperçoit-on ; s’ils sont posés contrairement à la forme, ils tourmentent l’œil. Souvent les vitraux du XIIIe siècle, exécutés avec précipitation et négligence, laissent voir un travail insuffisant ou grossier, mais jamais ce travail n’est inintelligent ; chaque trait porte coup, accuse la forme, et cela avec les procédés qui

  1. Ce défaut est bien sensible dans certains vitraux modernes exécutés comme de la peinture opaque, mais en forçant les ombres.