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en raison de sa propriété rayonnante. Les verriers du XIIe siècle prouvent par les œuvres qu’ils nous ont laissées qu’ils avaient une parfaite connaissance de ces lois, et nous avouons, quant à nous, ne les connaître que par l’étude attentive de ces œuvres. Qu’ils soient arrivés à ces résultats par un empirisme prolongé ou par des observations savantes recueillies en Orient, cela, au fond, nous importe assez peu ; le fait donne raison à leurs méthodes. Car, de toutes les verrières connues, celles du XIIe siècle possèdent seules cette harmonie claire et sûre qu’on ne peut se lasser d’admirer ; harmonie si franche, qu’à une très-grande distance, et sans avoir besoin d’examiner le style des dessins, on reconnaît une de ces verrières au milieu de beaucoup d’autres[1]. Connaissant donc les propriétés plus ou moins rayonnantes des verres colorés, les verriers du XIIe siècle ont posé et peint ces verres en raison de ces propriétés, et aussi de l’influence que les couleurs translucides exercent les unes sur les autres.

Sachant, par exemple, que ce bleu limpide dont nous parlions tout à l’heure a, par-dessus toutes les autres couleurs, une qualité rayonnante, ils ne l’ont employé en grandes parties que dans des fonds ; et pour empêcher le rayonnement de ces surfaces bleues d’influer d’une manière fâcheuse sur les tons voisins (tous moins rayonnants, à des degrés différents), ils ont chargé ceux-ci de linéaments, de hachures, de détails opaques en façon d’écrans, afin de rendre à ces tons une intensité plus grande en vertu de la loi expliquée figure 6 ; mais, d’ailleurs (toujours en vertu de cette loi et de celle expliquée également figure 4), ils se sont bien gardés de salir ces tons par des ombres unies, eussent-elles été même translucides, et ont laissé toujours percer des parcelles du ton local à travers les réseaux ombres les plus chargés. Ces artistes ont encore usé des verres blancs (nacrés), comme appoint indispensable pour donner aux couleurs leurs rapports relatifs. Ainsi, dans l’exemple donné (fig. 5), le branchage de l’arbre de Jessé, quelques feuilles des bouquets, sont coupés dans du verre blanc ; mais ces parties lumineuses sont chargées de détails peints qui en atténuent l’éclat et la dureté[2].

Le fond bleu qui entoure l’arbre, sujet principal, et qui occupe tout le milieu de la fenêtre, est combattu par deux larges bordures dont voici (fig. 7) la répartition ; car c’est par l’ensemble autant que par les détails que se recommande cette composition. En A, règne le fond

  1. Voyez, entre autres, les verrières occidentales de Notre-Dame de Chartres ; celles de l’église abbatiale de Saint-Denis, fabriquées sous l’abbé Suger ; quelques verrières du Mans, de Vendôme, d’Angers.
  2. Voyez, pour la coloration générale de cette verrière, la Monographie de Notre-Dame de Chartres, par J. B. Lassus. Cette verrière est très-fidèlement copiée par M. P. Durand. L’exactitude du dessin et du modelé ne saurait être plus complète, mais la coloration donnée par la chromolithographie ne peut rendre l’effet des rapports des couleurs translucides. Ainsi les bleus sont lourds et sombres, les verts durs, etc.