Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 9.djvu/389

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[vitrail]
— 386 —

calquer éternellement ces types des beaux temps de la peinture sur verre, de faire des pastiches en un mot ; mais ce qu’il ne faut point perdre de vue, ce sont les procédés d’art si habilement appliqués alors à cette peinture ; ce qu’il faut éviter (parce que cela n’est pas un progrès, mais bien une décadence), c’est cette transposition d’une forme de l’art dans une autre qui lui est opposée. Avec plus de persistance que de bonne foi, on affecte souvent de nous ranger parmi les fanatiques du passé, parce que nous disons : « Profitez de ce qui s’est fait ; faites mieux si vous pouvez, mais n’ignorez pas les chemins déjà parcourus, les résultats déjà obtenus dans le domaine des arts. Or, ce que vous nous donnez souvent comme une inspiration pleine d’avenir, n’est qu’un oubli de longs et utiles travaux, ou un assemblage incohérent de formes mal comprises ou de procédés faussement appliqués. »

Les vitraux du XIIe siècle sont maintenus en place, comme ceux du XIIIe siècle, par des plombs qui sertissent chaque morceau de verre, en composent des panneaux ; des vergettes on tringlettes maintiennent ces panneaux dans leur plan et les empêchent de s’affaisser sous leur propre poids. Ces panneaux sont posés dans des armatures de fer (voyez Armature).

Il est clair que ces panneaux ne peuvent dépasser certaines dimensions, puisqu’ils doivent résister à la pression du vent. La mise en plomb laisse une élasticité très-nécessaire à la conservation de ces panneaux. Le compositeur verrier doit tenir compte de ces éléments matériels de l’œuvre. Ce sont là des conditions non moins impérieuses que celles imposées par la lumière et l’optique. Ce sont des conditions de solidité, de durée, et qui, par cela même, doivent influer sur la conception de l’artiste, et dont il s’aide, s’il est habile. Les armatures de fer dessinent les grandes divisions décoratives et donnent l’échelle de l’objet, chose plus utile qu’on ne le pense généralement. Les plombs accusent le dessin et séparent les couleurs par un trait ferme, condition nécessaire à l’effet harmonieux des tons translucides. Reste le modelé intérieur. C’est là que les verriers du XIIe siècle, particulièrement, ont montré leur profonde observation des effets de la peinture translucide. Ces artistes savaient : 1o que les tons n’ont qu’une valeur relative ; 2o que le rayonnement de certaines couleurs translucides est tel, qu’il altère ou modifie même la qualité de ces couleurs ; 3o que le modelé appliqué sur le verre doit, dans les parties les plus ombrées, laisser apparaître le ton local, non à travers un glacis, mais par échappées pures ; car une ombre qui couvre un verre coloré donne à distance un ton opaque qui ne participe pas de la couleur de ce verre qu’elle couvre, mais du rayonnement des couleurs voisines, en raison de la propriété rayonnante de ces couleurs. Ainsi, pour rendre notre explication claire : supposons (fig. 4) un disque de verre rouge A entouré de verre bleu ; si nous avons posé autour de ce disque une ombre (fût-elle translucide elle-même, comme un glacis un peu opaque), cette ombre participera,