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de la canne au milieu du huit. L’extrémité supérieure de la bouteille était alors présentée à la flamme ; puis on opérait comme précédemment en élargissant l’ouverture. Le morceau de verre ainsi disposé, on le séparait de la canne et on le portait au four de refroidissement. Ces verres, qui avaient la forme que donne la figure 0, étaient remis au feu pour être dilatés, fendus et aplanis[1]. On employait aussi le procédé des verres en boudines, plus rapide et plus simple. L’ouvrier soufflait une vessie ; il en présentait l’extrémité inférieure à la flamme, comme il est dit plus haut ; puis, dilatant cette extrémité, il faisait pivoter très-rapidement la canne : les bords dilatés du verre, par l’effet de la force centrifuge, tendaient à s’éloigner du centre, et l’on obtenait ainsi un disque concentriquement strié, plus épais au centre que vers les bords. Les verres ainsi aplanis, soit d’après la première méthode, soit d’après la seconde, étaient primitivement colorés dans le creuset au moyen d’oxydes métalliques. Théophile ne parle pas de verres doublés ; et, en effet, les vitraux des XIIe et XIIIe siècles n’en montrent point, sauf pour le rouge. Encore voit-on des morceaux d’un beau rouge orangé du XIIe siècle, qui sont teints dans la masse[2], ou tout au moins à moitié environ de leur épaisseur. Cette fabrication du rouge doit être une tradition antique.

En effet, les cubes de verre qui composent les mosaïques de l’intérieur de l’église Sainte-Sophie de Constantinople, et sur lesquels une feuille d’or est appliquée, sont généralement d’un beau rouge chaud, translucide, avec strates d’un ton sombre opaque. Les strates rouges translucides ont 3 ou 4 millimètres d’épaisseur, et donnent une belle coloration qui rappelle celle de certains verres rouges du XIIe siècle. Mais dès cette époque on obtenait le verre rouge par un autre procédé. L’ouvrier souffleur avait deux creusets remplis de verre blanc verdâtre au four. Dans l’un des deux on jetait des raclures ou paillettes de cuivre rouge, et l’on remuait ; immédiatement le souffleur cueillait une boule de verre blanc dans l’un des creusets, et il la plongeait dans le second creuset tenant en suspension des lamelles de cuivre. Il égalisait la prise sur une pierre chaude, soufflait et opérait comme il est dit ci-dessus. Ainsi obtenait-on des verres doublés, dans la moitié, au plus, de l’épaisseur desquels la coloration rouge se présente comme fouettée. Si l’on

  1. Voyez Théophile, Diversarum artium sched., lib. II, cap vi et ix.
  2. On fabrique encore à Venise des verres rouges d’un ton très-doux, teints dans la masse. Ces verres rappellent beaucoup certains échantillons du XIIe siècle.