Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 9.djvu/379

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[vitrail]
— 376 —

un fondant, un oxyde ? Il y a tout lieu de croire que le saphir grec était un verre bleuâtre des fabriques de Venise qui avait une propriété fondante. Et en effet, les verres de Venise possèdent cette qualité à un degré très-supérieur à nos anciens verres. Ces trois substances sont broyées sur une tablette de porphyre, mêlées en parties égales ; savoir un tiers de cuivre, un tiers de saphir grec, un tiers de verre vert, et délayées avec du vin ou de l’urine. Cette couleur, placée dans un pot, est appliquée au pinceau, soit claire, soit plus sombre, soit épaisse, pour faire des traits noirs et fins ; ou bien elle est étendue sur le verre en couche mince et est enlevée avec un style de bois, de façon à former des ornements très-déliés ou des touches se détachant en lumière sur un fond obscur, mais encore translucide.

Les verres, ainsi préparés, sont mis au four afin de vitrifier cette peinture monochrome. D’après Théophile, ce serait donc à l’aide d’un oxyde de cuivre que cette couleur brune serait obtenue. Cependant les morceaux de vitraux peints des XIIe et XIIIe siècles, que nous avons pu faire analyser, n’ont donné, pour cette coloration vitrifiée noire-brune, que des oxydes de fer, et c’est encore le protoxyde de fer que l’on emploie aujourd’hui pour cet objet[1]. Du reste, un protoxyde de cuivre calciné donne une poudre brune qui, mise au four avec un fondant, peut produire un effet analogue à celui que présente le protoxyde de fer, mais avec une nuance verdâtre.

Une question importante dans la fabrication des vitraux, en dehors de celles qui concernent l’artiste, c’est la manière d’obtenir les feuilles de verre. Au XIIe siècle, d’après Théophile, les plaques de verre étaient obtenues à l’aide de deux procédés qu’on n’emploie plus de nos jours.

Avec la canne à souffler, l’ouvrier cueillait dans le creuset une masse de verre incandescent ; il soufflait de manière à obtenir une bouteille en forme de vessie allongée. Approchant l’extrémité de cette vessie de la flamme du fourneau, cette extrémité se liquéfiait et se perçait. Avec un morceau de bois, l’ouvrier dilatait cette ouverture de façon qu’elle arrivât au diamètre le plus large de la vessie.

Alors de ce cercle inférieur, en rapprochant les deux bords opposés, il formait un huit. Le verre, ainsi préparé, était détaché de la canne au moyen du frottement d’un morceau de bois humide sur le col de la bouteille. Faisant chauffer l’extrémité de la canne au four, avec les parcelles de verre incandescent qui y tenaient encore, il collait le bout

  1. M. Oudinot, peintre verrier, a fait analyser de son côté des fragments de verrières des XIIe et XIIIe siècles, peints ; et l’analyse n’a également donné que du protoxyde de fer. Aujourd’hui cette peinture est obtenue au moyen de battitures de fer que l’on ramasse chez les forgerons, que l’on tamise pour en séparer les parcelles métalliques et que l’on broie avec un fondant. On employait aussi autrefois et l’on emploie encore un minerai de fer appelé ferret d’Espagne, qui est un oxyde de fer naturel plus brun que la sanguine. Cette substance donne à la grisaille un ton plus chaud que la battiture de fer des forgerons.