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Au XIIIe siècle, l’Église ne repoussait point du portail de ses édifices ces vertus civiles, le Courage, l’Activité, la Largesse, la Liberté, la Justice, l’Amitié, la Santé de l’esprit : près d’elles, les labeurs journaliers étaient représentés, comme à Notre-Dame de Chartres ; au-dessous d’elles les Vices ; puis les sciences, les arts, les travaux de l’intelligence. Ainsi se complétait le cycle encyclopédique que montrait au peuple la cathédrale française, autant que le permettait l’état des connaissances de l’époque.

En un mot, l’Église alors vivait et était digne de vivre, puisqu’elle entrait dans le mouvement social qui tendait à constituer une grande nation aux confins de l’Europe occidentale. C’était sa première vertu, à elle, d’être vraiment nationale, d’activer les développements intellectuels. Qu’elle ait pu s’en repentir ; que, se sentant débordée par des esprits trop avancés suivant ses vues, elle ait essayé d’arrêter le mouvement qu’elle-même avait provoqué au cœur des diocèses, il n’en est pas moins certain qu’alors elle prenait l’initiative, que les arts s’en ressentaient, et que ces arts ne sauraient être considérés comme énervés, étouffés sous une théocratie tracassière et mesquine.

Les Vertus n’étaient pas seulement représentées sur les portails des églises ; elles avaient leur place encore aux portes des palais, dans les grand’salles des châteaux, sur les façades des hôtels. Les preux sculptés sur les tours du château de Pierrefonds, les preuses sur celles du château de la Ferté-Milon, sont des personnifications de vertus héroïques, guerrières. Ces figures donnaient leurs noms aux tours. Ainsi, à Pierrefonds, les preux sont au nombre de huit, comme les tours. Ces statues de 3 mètres de hauteur et d’un beau travail, sont celles de César, de Charlemagne, de David, d’Hector, de Josué, de Godefroy de Bouillon, d’Alexandre et du roi Artus.

Sur la façade de l’hôtel de la chambre des comptes bâti par Louis XII, en face de la sainte Chapelle du Palais à Paris, on voyait quatre statues des Vertus, qui étaient : la Tempérance, tenant une horloge et des lunettes ; la Prudence, tenant un miroir et un crible ; la Justice, ayant pour attributs une balance et une épée ; le Courage, qui embrassait une tour et étouffait un serpent[1]. Le combat des Vertus et des Vices était le sujet de beaucoup de peintures et de tapisseries qui décoraient les salles des châteaux. Les romans, les inventaires, font souvent mention de ces sortes de tentures désignées sous le nom de moralités.

VIERGE (Sainte). C’est vers le milieu du XIIe siècle que le culte voué à la sainte Vierge prend un caractère spécial en France. Jusqu’alors les monuments sculptés ou peints donnent à la sainte Vierge une place secondaire : c’est la femme désignée par Dieu pour donner naissance au Fils. Elle est un intermédiaire, un moyen divin, mais ne participe pas à

  1. Dubreul, Antiquités de Paris, liv. I.