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L’illustre auteur du Dictionnaire d’architecture ne nous dit pas comment l’unité de système se distingue de l’unité de conception, ni comment ces deux unités peuvent se séparer de l’unité de style et de goût ; comment l’élévation d’un édifice, qui semblerait dériver nécessairement du plan, possède cependant son unité distincte de celle qui régit la composition de ce plan. Nous pensions que l’unité possédait cette propriété de ne pouvoir être divisée, et que ce qu’on peut diviser est pluralité. Cette colonne de six unités (et nous ne voyons pas pourquoi on s’en tiendrait à ce nombre) précède le paragraphe où il est dit que l’unité de système et de principe ne permet pas de poser des arcs sur des colonnes, ni un chapiteau corinthien sur un style ionique. C’est, semble-t-il, un préambule bien solennel pour une mince conclusion. Plus loin, cependant, l’auteur du Dictionnaire, à propos de l’unité d’élévation, écrit ces lignes que l’on ne saurait trop soumettre aux méditations de l’architecte : « Ce qui constitue particulièrement, dans l’architecture, l’unité d’élévation, c’est d’abord une telle correspondance de l’extérieur de sa masse avec l’intérieur, que l’œil et l’esprit y aperçoivent le principe d’ordre et la liaison nécessaire qui en ont déterminé la manière d’être. Le but principal d’une façade ou élévation de bâtiment n’est pas d’offrir des combinaisons ou des compartiments de formes qui amusent les yeux. Là, comme ailleurs, le plaisir de la vue, s’il ne procède pas d’un besoin ou d’une raison d’utilité, loin d’être une source de mérite et de beauté, n’est plus qu’un brillant défaut. Mais là, comme ailleurs, le plus grand nombre se méprend en transportant les idées, c’est-à-dire en subordonnant le besoin au plaisir. De là cette multitude d’élévations d’édifices, dont les formes, les combinaisons, les dispositions, les ordonnances, les ornements, contredisent le principe d’unité fondé sur la nature propre de chaque chose. Ce qui importe donc à l’unité dont nous parlons, ce n’est pas qu’une élévation ait plus ou moins de parties, plus ou moins d’ornements, c’est qu’elle soit telle que la veulent le genre, la nature et la destination de l’édifice ; c’est qu’elle corresponde aux raisons, sujétions et besoins qui ont ordonné de sa disposition intérieure ; c’est que l’extérieur de cet édifice soit uni par le lien visible de l’unité à la manière d’être que les besoins du dedans auront commandée. » Nous n’avons pas à essayer, heureusement, d’accorder les opinions de l’ancien secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts avec les enseignements qui découlent des œuvres d’architecture laissées par les membres passés et présents de la docte assemblée. Ce sont affaires de famille ; nous constatons seulement que cette définition de l’unité des élévations, quant au fond, peut s’appliquer à l’unité dans les œuvres d’architecture, sans qu’il soit utile de diviser cette unité. Ne mentir jamais au besoin, à l’ordonnance qu’impose ce besoin, aux moyens que fournit la matière en œuvre, aux nécessités de la structure, ce sont les premières conditions de l’unité en architecture, et ces conditions ne sauraient séparer le plan de l’élévation, la conception du