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la colombe sur le crucifix. Ces diverses représentations ont un intérêt ; elles indiquent la marche de l’art comme expression sensible des idées théologiques selon le temps. Pendant les premiers siècles, on redoute évidemment l’expression trop matérielle d’un mystère qui doit rester impénétrable. Le Fils est un agneau, l’Esprit une colombe, le Père une voix ou une main sortant d’une nuée. Plus tard, l’artiste se rassure, il donne aux trois personnes divines l’individualité. Elles sont séparées, distinctes, mais semblables et assises sur un trône commun. Puis on cherche à faire comprendre, par un artifice matériel, l’unité des trois personnes. Au XVe siècle, c’est une sorte de problème géométrique posé devant la foule et dont la solution est posée comme une énigme ; ou encore c’est un jeu d’artiste, comme cette tête à trois visages. Au XVIe siècle, on adopte une forme antérieure, mais peu répandue, celle de la distinction absolue des trois personnes, en raison du rôle que leur attribue l’idée chrétienne. Le Père est le personnage immuable ; le Fils, le rédempteur ; et l’Esprit, l’émissaire émané du Père ; amour, selon saint Augustin et saint Thomas d’Aquin. « Jésus, ayant été baptisé, sortit de l’eau sur-le-champ, et voilà que les cieux lui furent ouverts et qu’il vit l’Esprit de Dieu descendant sous la forme d’une colombe et venant sur lui. Alors une voix du ciel dit : Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui je me suis complu[1]. » Il est donc assez important de faire ces distinctions des caractères donnés à la Trinité figurée dans les monuments anciens.

Le moyen âge admet aussi une Trinité du mal. De même que les théologiens avaient prétendu trouver le reflet de la Trinité sainte dans l’âme humaine : volonté, amour, intelligence, confondues en une substance, ils supposèrent le mal avec des facultés correspondantes. Des sculptures, des peintures de vitraux et de manuscrits représentent en effet la Trinité satanique (fig. 3)[2]. Cette miniature du XIIIe siècle montre le pécheur soumis aux lois de la Trinité du mal, armée d’un glaive et couronnée. Satan est souvent représenté ainsi dans les bas-reliefs du jugement dernier. Outre ses trois visages qui correspondent, dans le mal, aux trois

  1. Matthieu, iii, 16, 17.
  2. Mss. ancien fonds Saint-Germain, n°37, Psalm., Bibl. impér.