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d’un grand nombre d’églises carlovingiennes, notamment sur les bords du Rhin, et se perpétua jusqu’au XIIIe siècle.

Comme dans l’exemple que nous venons de donner (fig. 2), chaque travée de l’église carlovingienne du Rhin se composait de deux grosses piles et d’une pile intermédiaire d’une section plus faible ; mais cette pile intermédiaire ne portait plus que l’arc-doubleau des voûtes du collatéral et elle ne remplissait aucune fonction du côté de la nef principale. La travée que nous présentons ici (fig. 3), de la nef de la cathédrale de Worms, nef qui date de la moitié du XIIe siècle, explique suffisamment ce système. Une grande voûte d’arête carrée A, à nervures, couvre chaque travée de la nef, sans arcs-doubleaux intermédiaires ; et la pile B n’est placée là que pour obtenir, sur le collatéral C, deux voûtes d’arête romaines. La question était d’avoir des surfaces carrées, ou approchant, pour fermer les voûtes, qui dérivaient toujours de la tradition romaine ; or, les collatéraux ayant, en largeur, la moitié environ de la largeur de la nef, il fallait, pour avoir des espaces carrés sur ces collatéraux comme sur la nef, doubler les piles. Le tracé T nous dispense de plus longues explications à ce propos. La nécessité de voûter les grands édifices, les basiliques, les églises, était reconnue partout en Occident, aussi bien dans l’Italie du nord qu’en France et sur les bords du Rhin ; seulement les diverses écoles d’art de ces contrées ne résolvaient pas le problème de la même façon. Pour ne considérer les choses que d’une manière générale, l’école que nous appellerons carlovingienne, et qui s’inspirait principalement de l’architecture romaine des bas temps, n’avait en vue que la voûte romaine, berceau, voûte d’arête ou coupole ; cette école n’abandonna cette tradition que quand elle adopta le système de structure importé de France vers le milieu du XIIIe siècle. L’école proprement française abandonna au contraire de bonne heure le système des voûtes romaines, chercha autre chose, et le trouva : tout est là. Que l’on découvre en Lombardie ou ailleurs des piles cantonnées de colonnes et des archivoltes dans des nefs, quelques détails de décoration analogues et antérieurs à notre architecture romane française,

    Milan, ce monument dut subir un remaniement presque total. Des voûtes ne s’écroulent pas sans cause ; un sinistre aussi grave est habituellement la conséquence d’un déversement des piles ; or, les piles actuelles de Saint-Ambroise ne paraissent pas avoir subi des altérations de nature à pouvoir occasionner la chute des grandes voûtes. De l’examen que nous avons fait de cet édifice, il y a peu d’années, il résulte que nous ne pourrions assigner à sa nef (les voûtes non comprises) la date du IXe siècle. Les profils, les sculptures de toutes les parties supérieures, la structure même de ces parties, semblent appartenir au XIIe siècle, époque brillante pour l’art en Lombardie comme en France. Les monuments élevés sur le sol du nord de l’Italie et dont la date carlovingienne ne saurait être discutée, ont un caractère barbare, comme structure, que l’on ne retrouve pas dans Saint-Ambroise de Milan. Toutefois, nous le répétons, nous croyons bien, comme M. de Dartein, que la disposition du plan appartient au IXe siècle, ainsi qu’une partie des constructions inférieures, l’autel, etc.