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corer les grandes salles et églises. Le trésor de la cathédrale de Reims possède encore un certain nombre de toiles peintes de la fin du XVe siècle, qui sont d’un grand intérêt. Ces toiles, dans les intérieurs des châteaux et hôtels, étaient attachées à des châssis, ou simplement suspendues à des tringles de bois ou de fer. Les clotets, ces cabinets que l’on improvisait dans les grandes pièces, étaient souvent composés de simples châssis de bois tendus de toiles peintes. (Voyez le Dictionnaire du mobilier français.)

TOMBEAU, s. m. (sepouture, sepoulture, tumbe). De tous les monuments, les tombeaux sont ceux qui présentent peut-être le sujet le plus vaste aux études de l’archéologue, de l’ethnologue, de l’historien, de l’artiste, et voire du philosophe. Les civilisations, à tous les degrés de l’échelle, ont manifesté la nature de leurs croyances en une autre vie par la façon dont elles ont traité les morts. Supprimez toute idée de la durée de l’individu au delà de l’existence terrestre, et le tombeau n’a plus de raison d’être. Or, depuis les races supérieures jusqu’aux noirs du sud de l’Afrique, on voit, en tout temps, les hommes ensevelir leurs morts avec l’idée plus ou moins nette d’une prolongation ou d’une transformation de l’existence. On pourrait faire l’histoire de l’humanité à l’aide des tombeaux, et le jour où un peuple cessera de perpétuer l’individualité des morts par un monument, un signe quelconque, la société, telle du moins qu’elle a vécu depuis les temps historiques, aura cessé d’exister. Le culte des morts est le ciment qui a constitué les premières sociétés, qui en a fait des institutions permanentes, des nationalités, c’est-à-dire la solidarité du présent avec le passé, la perpétuité des tendances, des aptitudes, des désirs, des regrets, des haines et des vengeances. Faites que les morts, chez un peuple, soient confondus dans un engrenage administratif de salubrité, et traités décemment, mais comme une matière dont il faut hâter la décomposition pour en rendre le plus tôt possible les éléments à la nature inorganique, ainsi qu’on traite un engrais ; faites que cela entre dans les mœurs et les nationalités, ces agglomérations traditionnelles, puissantes et vivaces, ne seront plus que des sociétés anonymes constituées pour… tant d’années, à moins de supposer toutefois que les idées métaphysiques les plus abstraites sur l’existence de l’âme soient communément acceptées comme elles peuvent l’être par une demi-douzaine de philosophes au milieu d’un pays de plusieurs millions d’habitants. Il sera bien difficile de faire admettre l’indifférence absolue pour la dépouille périssable d’une personne que l’on a aimée, respectée ou connue. Et dans nos grandes villes, s’il est une chose qui choque le sentiment populaire, c’est ce qu’on appelle la fosse commune.

Ce n’est que depuis le XVIe siècle que l’on a imaginé de donner aux sépultures un caractère funèbre ; de les entourer d’emblèmes, d’attributs ou d’allégories qui rappellent la fin, la décomposition, la douleur sans