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[tourelle]
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L’étendue que nous avons été obligé de donner à cet article fait assez connaître de quelle importance étaient, dans l’architecture du moyen âge, les constructions à grands commandements. Ce désir ou ce besoin d’élever des tour a existé chez toutes les civilisations qui ne sont point arrivées à un développement complet. Ceux qui bâtissent tiennent à voir au loin et à être vus. La tour devient ainsi, en même temps qu’une sûreté, un moyen de surveillance et une marque honorifique.

Sous le régime féodal, les seigneurs seuls avaient le droit d’élever des tours ; les tenanciers ne pouvaient en posséder (voyez Château, Manoir).

Bien entendu, comme seigneurs féodaux, les abbés usaient de ce même droit, qui, pour les seigneurs laïques aussi bien que pour les religieux, était soumis à l’autorisation du suzerain. C’est ainsi que sous Philippe-Auguste et sous saint Louis, maint seigneur est contraint de démolir les tours qu’il fait élever sans, au préalable, avoir obtenu la sanction royale.

Les démolitions de tours ordonnées par le suzerain étaient presque toujours provoquées par les plaintes de voisins. Les abbayes notamment, et les évêques, veillaient scrupuleusement à ce qu’il ne fût pas élevé de châteaux avec tours dans leur voisinage. Leurs plaintes à ce sujet sont fréquentes, et quand les parties ne pouvaient s’accommoder, il fallait recourir à l’autorité royale. Était-elle toujours respectée ? Cela est douteux ; de là, entre seigneurs, des conflits qui, en fin de compte, finissaient par provoquer l’intervention royale au détriment de l’un des deux adversaires, quelquefois de tous les deux, et au profit du pouvoir suzerain. Le roi, d’ailleurs, en cas de guerre, de défense du territoire, avait le droit d’occuper et de faire occuper par ses troupes les châteaux, tours et donjons de ses vassaux.

Or, en dépit de ce droit, il arriva parfois que les portes des châteaux restaient closes devant leur suzerain, qui n’était pas toujours en état de les faire ouvrir par la force. Les châteaux et leurs tours formidables devinrent ainsi, pour la royauté, à mesure qu’elle s’affermissait, un souvenir d’insultes souvent demeurées impunies. Louis XI porta un premier coup à ces nids féodaux. La renaissance, plus encore par mode que par politique, en vit détruire un grand nombre. Henri IV, Richelieu et Mazarin démantelèrent les derniers.

Tel était leur nombre, cependant, sur le territoire français, que nous trouvons beaucoup de ces défenses et de ces postes encore debout.

TOURELLE (Tournelle), s. f. Diminutif de tour, petite tour, ou plutôt tour d’un petit diamètre. Les manoirs ne pouvaient être munis de tours, mais de tourelles seulement[1]. On donnait aussi le nom de tournelles à de véritables tours flanquant des courtines, mais dont l’étroite circon-

  1. Voyez Manoir.