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en arrière, car les troupes sont alors disposées à abandonner facilement les défenses extérieures pour se réfugier dans celles qu’elles considèrent comme plus fortes, mais qui sont les dernières, et qui, par cela même, excitent les efforts énergiques de l’assaillant. Place entamée est bientôt prise, l’assiégeant devenant d’autant plus entreprenant et audacieux, qu’il a déjà obtenu un premier avantage. Il est un autre axiome de défense qui n’a jamais cessé d’être applicable. Il est plus aisé d’empêcher un assaillant d’avancer qu’il ne l’est de le faire reculer lorsqu’il a gagné un poste.

Une porte non flanquée, comme celle de la bastide de Cadillac, était bientôt forcée en comblant le fossé. Alors l’assiégeant se trouvait, il est vrai, en face d’une seconde défense, relativement forte et bien munie ; mais il lui était facile de mettre le feu aux planchers de la tour en accumulant des fascines sous le passage, et, dans ce cas, l’ouvrage n’avait plus de valeur. À la fin du XIVe siècle, les tours cependant, à cause de leur commandement, prenaient une nouvelle importance[1], et un homme de guerre célèbre, Olivier de Clisson, persista à les employer comme portes. Toutefois Olivier de Clisson renonça au plan carré, et adopta la forme cylindrique. Le château de Blain, situé entre Redon et Nantes, fut bâti à la fin du XIVe siècle par le connétable Olivier de Clisson. La porte d’entrée de la baille est pratiquée dans une tour ronde, dite tour du Pont-levis, qui montre encore à l’extérieur et à l’intérieur l’M couronnée accostée d’un heaume. Ce chiffre équivaut à une date certaine, car on le retrouve sur le sceau d’Olivier de Clisson, de 1407, et sur les bâtiments de l’hôtel du connétable, bâti à Paris vers 1388, et compris aujourd’hui dans l’hôtel des Archives de l’empire[2]. On sait, d’ailleurs, que vers 1366, Olivier de Clisson, qui avait juré de n’avoir jamais d’Anglais pour voisins, alla démolir le château de Gâvre que le duc de Bretagne venait de donner à Jean Chandos, et en fit porter les pierres à Blain pour les employer dans la bâtisse du nouveau château. Or, il paraîtrait que le farouche connétable avait adopté, dans les défenses qu’il faisait élever, un système de portes passant à travers le cylindre d’une tour ronde, avec pont-levis, long couloir, vantaux, mâchicoulis et herses[3].

La tour ronde avait cet avantage sur la tour carrée, qu’elle envoyait des projectiles divergents, ne laissait pas de points morts sous les mâchicoulis et était difficile à attaquer par la mine. Ces tours-portes cylindriques d’Olivier de Clisson avaient sur les courtines un commandement considérable. Celle de Blain est couverte

  1. Ainsi que nous l’avons expliqué à propos d’une des tours du château de Vincennes. Les portes de ce château sont percées dans des tours sur plan barlong analogues à celle représentée fig. 31 et 32.
  2. Renseignements extraits d’une note inédite de M. Alfred Ramé.
  3. C’est sur ce programme qu’est construite la porte de la baille du château de Blain dont nous venons de parler.