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modernes accolées à ses flancs. Les voûtes des salles étaient en bon état, et la restauration de ce curieux spécimen d’une tour de commanderie n’eût été ni difficile ni dispendieuse.

La tour du Temple, à Paris, datait de la fin du XIIIe siècle et avait été achevée en 1306, peu avant la dissolution de l’ordre[1]. Cette tour était sur plan carré, avec quatre tourelles aux angles, montant de fond. Elle servait de trésor, de dépôts de titres et de prison, comme la plupart de ces donjons appartenant aux établissements des chevaliers du Temple. Cet édifice fut détruit en 1805.

Nous possédons encore à Paris un de ces ouvrages servant de retrait, de trésor, de lieu de sûreté, dans les hôtels que les princes possédaient au milieu des villes : c’est la tour que l’on voit encore dans la rue du Petit-Lion, et qui dépendait de l’hôtel des ducs de Bourgogne. « L’édifice, dit notre savant ami M. le baron de Guilhermy[2], est solidement construit en pierres de taille soigneusement appareillées ; il est percé de baies en tiers-point et couronné de mâchicoulis. Un large escalier à vis monte à l’étage supérieur, comprenant une belle salle voûtée en arcs ogives. Les fenêtres qui éclairent l’escalier sont rectangulaires et décorées de moulures. Les degrés tournent autour d’une colonne qui se termine par un chapiteau très-simple ; mais ce chapiteau sert de support à une caisse cylindrique d’où s’élancent des tiges vigoureuses figurant des branches de chêne dont les entrelacs forment les nervures de quatre voûtes d’arête et dont le feuillage se détache en saillie sur les remplissages de la maçonnerie. » Une chambre secrète est disposée au sommet de la tour, et pouvait être isolée des passages au moyen d’une bascule.

La tour a été bâtie par le duc Jean-sans-Peur, dans les premières années du XVe siècle. Ce prince habitait cet hôtel lorsqu’il fit assassiner Louis d’Orléans dans la rue Barbette. L’hôtel de Jacques Cœur, à Bourges, possédait aussi sa tour, réduit et trésor, dont la pièce principale, au niveau du premier étage, était fermée par une porte de fer[3].

Nous ne saurions passer sous silence les tours-portes. Souvent des portes secondaires, ou même des poternes étaient percées à travers des tours, au lieu d’être flanquées par elles. Cette disposition n’apparaît guère qu’à la fin du XIIIe siècle, et est-elle assez rare. C’est encore dans la cité de Carcassonne que nous trouverons un des exemples les plus remarquables de ces sortes d’ouvrages. Sur le front sud de la seconde enceinte s’élève une haute tour carrée avec quatre échauguettes montant de fond, qui, à l’extérieur, ne laisse voir aucune issue, mais sur l’un de ses flancs (celui de l’est) s’ouvre une porte ou plutôt une large poterne dont le seuil est posé à 2 mètres au-dessus du sol exté-

  1. Voyez Temple.
  2. Itinéraire archéologique de Paris, p. 299.
  3. Voyez, à l’article Maison, le plan, fig. 34.