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aux angles. Ce genre de défenses nous amène à parler des tours considérées comme postes isolés, sortes de blockaus permanents.

Tours-postes isolées. Tours défenses de passages, de ponts. — Le cours de nos fleuves, les passages des montagnes, certaines lignes de défense d’un territoire, laissent encore voir des traces de tours, carrées habituellement, qui servaient à assurer le péage sur les cours d’eau, à réprimer le brigandage, arrêter les invasions, les surprises de voisins trop puissants ou turbulents. Ces tours, que l’on trouve encore en grand nombre dans les passages des Pyrénées, le long de la haute Loire, du Rhône, de la Saône, de l’Aveyron et du Tarn, du Doubs et de l’Isère, sur les frontières du Morvan, dans les Vosges, sont plantées sur des points élevés et peuvent correspondre au moyen de signaux. L’assiette choisie est habituellement un promontoire escarpé ne se reliant aux hauteurs voisines que par une langue de terre, de manière à n’être accessible que vers un point. Cette chaussée naturelle est parfois coupée par un fossé ou défendue par un rempart qui sert de chemise à la tour. On ne peut pénétrer dans l’intérieur de celle-ci que par une porte relevée au-dessus du sol et par une échelle ou par un pont volant jeté sur le chemin de ronde de la chemise. Un exemple type fera comprendre cette disposition adoptée fréquemment dans les passages des Pyrénées (fig. 62). Devant la porte de la chemise était placée une barrière de bois. Un mâchicoulis défendait cette première porte. Pour pénétrer dans la tour-poste, on montait un degré qui aboutissait au chemin de ronde de la chemise. Ce chemin se présentait latéralement à la face de la tour dans laquelle était percée la porte. Un pont mobile qui s’abattait d’un encorbellement sur le chemin de ronde de la chemise au moyen d’un treuil placé dans le mâchicoulis-échauguette, permettait de pénétrer dans ce réduit contenant plusieurs étages et une plate-forme supérieure destinée à la défense et aux signaux. Ces postes sont souvent munis de cheminées et même d’un four et d’un puits allant chercher une source, ou d’une citerne creusée dans le roc et recueillant les eaux de pluie de la plate-forme et du plateau.

Les chevaliers du Temple possédaient beaucoup de ces postes établis, sur une grande échelle, en Syrie. « Les diverses places de guerre possédées au moyen âge par les chrétiens, en terre sainte, étaient reliées entre elles par de petits postes ou tours élevés d’après un plan uniforme : un grand nombre subsistent encore aujourd’hui, savoir : Bord-ez-Zara, Bordj-Maksour, Om-el-Maasch, Aïn-el-Arab, Miar, Toklé, etc.[1]. »

Ces tours-postes bâties par les chevaliers du Temple, en Syrie et en Occident, sont sur plan barlong. M. G. Rey, auquel nous empruntons les renseignements concernant celles de la Syrie, donne les plans et

  1. Voyez Essai sur la domination française en Syrie durant le moyen âge, par E. G. Rey, 1866.