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étages inférieurs des tours pour enfiler les fossés. Les ouvrages que nous désignons comme des demi-lunes sont de véritables tours isolées porte-flancs, ouvertes à la gorge et réunies aux casemates des courtines par des caponnières, ou galeries couvertes, percées d’embrasures pour de la mousqueterie[1]. Un fossé de 15 mètres de largeur environ sur 7 mètres de profondeur circonscrit tout le château. Ce fossé, qui peut être inondé jusqu’au niveau de la cour du château et même au-dessus, est mis en communication avec le château par des poternes étroites. En outre, d’autres issues ouvertes dans la contrescarpe donnaient vraisemblablement sur les dehors, car dans la légende jointe au plan du château de Salces donné par le chevalier de Beaulieu[2], on lit : « Il y a plus de logement soubs terre, dans ce château, qu’il n’y en a dehors ; car il est casematé et contre-miné partout, et l’on passe par dessoubs les fossés pour aller dans les dehors… » On ne passait certainement pas sous la cunette des fossés qui étaient inondés, mais on passait au fond du fossé, dans des galeries casematées qui communiquaient à un chemin couvert pratiqué derrière la contrescarpe ; chemin couvert dont on retrouve certaines galeries creusées sur le fossé et de là sur les dehors, protégés par des ouvrages de terre avancés.

Mais ce qui donne à l’étude des tours du château de Salces un intérêt marqué, c’est la manière dont elles sont disposées pour abriter les défenseurs. En effet, la place de Salces, barrant la route entre l’étang de Leucate et les derniers contre-forts des Corbières, est dominée par ces hauteurs. Les tours, les courtines, les demi-lunes sont soumises à des vues de revers et d’enfilade.

C’est en exhaussant les parapets des tours du côté dangereux et en établissant à la gorge des tours opposées des parados, que l’ingénieur a couvert les plates-formes. L’exhaussement des parapets du côté de la montagne met les embrasures à couvert, tandis que celles du côté opposé sont à ciel ouvert.

La figure 39 présente à vol d’oiseau la perspective d’une de ces tours. On voit en A le parapet exhaussé défilant les canonniers et les pièces placés sur la plate-forme, ainsi que le ferait un cavalier ou une traverse. Les courtines, construites seulement pour de la mousqueterie, ne sont pas munies d’embrasures, mais possèdent une banquette B et relèvent leurs parapets en face des terrains élevés qui ont des vues sur le château. Des échauguettes C occupent les angles rentrants des tours avec les courtines, et peuvent recevoir des arquebusiers dont le tir flanque les escarpes. De plus, de petites pièces placées dans des étages

  1. Voyez la Monographie du château de Salces par M. le capitaine Ratheau (Paris, 1860, Tanera). Cette étude, très-bien faite, de cette ancienne place en donne l’idée la plus complète.
  2. Plans et profils des principales villes et lieux considérables de la principauté de Catalogne. Paris, 168…