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l’un des plus grands qui fussent en France, avait 50 mètres de longueur sur 16 mètres, dans œuvre. La grand’salle était couverte par une charpente lambrissée en berceau, avec entraits et poinçons apparents, le tout richement décoré de peintures. Quatre cheminées C chauffaient l’intérieur à chaque étage, et six tourelles flanquaient le bâtiment, qui datait de la seconde moitié du XIIIe siècle. Le seigneur se rendait à la grand’salle de plain-pied par la galerie G passant sur une arche, en H. De plus, des appartements on pouvait entrer dans la salle par la petite porte I. Du côté B, le bâtiment dominait un escarpement planté en jardins que l’on pouvait voir en se plaçant sur une sorte de balcon[1] placé en D. Une coupe transversale faite sur ab (fig. 4), explique la disposition de ces deux salles superposées. En A, était un crénelage couvert sur les deux murs goutterots du bâtiment, découvert devant les pignons. Entre les contre-forts des murs goutterots s’ouvraient de belles fenêtres à meneaux, plus larges que celles qui étaient percées dans les pignons. Cinq contre-forts extérieurs maintenaient ceux-ci dans leur aplomb (voy. le plan).

Dans les palais épiscopaux, les deux salles superposées avaient une destination bien connue. La salle basse était l’officialité ; la salle haute, le lieu propre aux grandes réunions diocésaines, synodes, assemblées du clergé, au besoin salles de banquets. D’ailleurs les évêques étaient seigneurs féodaux, et, comme tels, ils devaient, dans maintes circonstances, réunir leurs vassaux. On a peut-être moins éclairci la destination des deux salles superposées dans les châteaux des seigneurs laïques, Cependant cette disposition est trop générale pour qu’elle n’ait pas été imposée par des usages uniformes sur tout le territoire féodal de la France. C’est en examinant soigneusement les voisinages de ces grandes salles, la manière dont leurs ouvertures sont placées, leurs issues, que nous pouvons nous rendre compte des usages auxquels étaient destinées les œuvres basses, car, pour l’étage supérieur, sa destination est parfaitement définie.

Quand on voit les ensembles des plans de nos grands châteaux féodaux, on remarque qu’il n’y avait pour la garnison que des locaux peu étendus. Ceci s’explique par la composition même de ces garnisons. Bien peu de seigneurs féodaux pouvaient, comme le châtelain de Coucy, au XIIIe siècle, entretenir toute l’année cinquante chevaliers, c’est-à-dire cinq cents hommes d’armes. La plupart de ces seigneurs, vivant des redevances de leurs colons, ne pouvaient, en temps ordinaire, conserver près d’eux qu’un nombre d’hommes d’armes très-limité. Étaient-ils en guerre, leurs vassaux devaient l’estage, la garde du château seigneurial, pendant quarante jours par an (temps moyen). Mais il y avait deux sortes de vassaux, les hommes liges, qui devaient personnellement le service militaire, et les vassaux simples, qui pouvaient se faire remplacer. De cette coutume

  1. Ce balcon, qui n’est point marqué dans l’œuvre de du Cerceau, existait cependant, ainsi que l’indique un dessin du XVIIe siècle, en notre possession.