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[salle]
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en un grand bâtiment propre à recevoir une nombreuse assemblée, entouré de quelques dépendances pour l’habitation des serfs, des colons, pour abriter les bestiaux et contenir des provisions, l’habitation du citadin, d’aussi loin que nous pouvons l’entrevoir, se compose également de la salle où l’on reçoit les allants et venants, où l’on réunit la famille, les amis, les étrangers, où l’on mange en commun, où se traitent les affaires.

La salle appartient donc bien aux races du Nord ; on la retrouve partout où elles s’établissent, en Bretagne, en Germanie, dans les Gaules. C’est donc un des programmes les plus importants dans l’art de l’architecture du moyen âge, un de ceux qui se modifient le moins depuis les premiers siècles jusqu’au XVIIe ; et, chose singulière, c’est un des programmes les moins définis, probablement parce que tout le monde, du petit au grand, savait ce qu’était la salle.

Dans son Dictionnaire historique d’architecture, M. Quatremère de Quincy s’exprime ainsi à propos des salles : « Il ne serait point possible aujourd’hui d’assigner dans l’architecture moderne (c’est-à-dire depuis l’antiquité), aux salles les plus remarquables, ni forme particulière, ni caractère général susceptible de devenir l’objet, soit d’une théorie, soit d’une pratique fondée sur quelque usage constant… »

Si nous nous en tenions à cette phrase un peu ambiguë du célèbre académicien, les grandes salles des palais, des châteaux, n’auraient pas été « l’objet d’une pratique fondée sur un usage constant. » Probablement ces vastes espaces couverts auraient été dus au hasard. C’est pourtant à des conclusions de cette force que conduit l’esprit exclusif, fût-il appuyé sur le savoir et une haute intelligence.

Le moyen âge nous a laissé des programmes d’églises, de châteaux, de palais, de monastères, de manoirs et de maisons, il ne nous en a pas légué sur les salles ; mais, à défaut des programmes, les monuments existent, et nous permettent de combler cette lacune, car ils sont tous élevés d’après une donnée générale, qui frappe les moins clairvoyants. Nous ne parlerons des salles mérovingiennes et carlovingiennes que pour mémoire ; il ne reste debout aucun de ces monuments, construits presque entièrement en charpente. Nous ne pouvons commencer à étudier les salles que sur les monuments du XIIe siècle. La grand’salle du palais épiscopal bâti par Maurice de Sully entre la cathédrale de Paris et le petit bras de la Seine, au sud, affecte déjà les caractères particuliers aux grandes salles des palais et châteaux du moyen âge. Ce bâtiment se composait de deux étages, l’un au rez-de-chaussée, l’autre au premier (voy. Palais, fig. 7), tous deux voûtés, celui du rez-de-chaussée sur une épine de colonnes, celui du premier d’une seule volée. Le rez-de-chaussée était l’officialité ; le premier, la salle de réunion, à laquelle on montait par un escalier disposé dans la tour barlongue (voy. Sacristie, fig. 1). Le chéneau était crénelé du côté de la rivière, et formait une défense (voy. Palais, fig. 8).