Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 8.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[rose]
— 62 —

sition. La fin du XIVe siècle et le commencement du XVe n’élevèrent qu’un très-petit nombre d’édifices religieux en France ; les guerres, les malheurs de cette époque, donnaient d’autres soucis. Ce ne fut qu’à dater de la fin du règne de Charles VII que les architectes se remirent à l’œuvre. En ce qui concerne les roses, le système de Libergier paraît alors avoir définitivement prévalu, et la rose occidentale de la sainte Chapelle du palais, à Paris, reconstruite au XVe siècle, est évidemment une arrière-petite-fille de celle de Saint-Nicaise de Reims. Nous donnons (fig. 12) le douzième de cette rose, à l’échelle de 0m,03 pour mètre.

Lorsqu’on jette les yeux sur ces réseaux de pierre, composés presque exclusivement de lignes courbes, il semble, au premier abord, que ces mailles qui présentent un enchevêtrement des plus gracieux aux uns, une conception maladive aux autres, suivant les goûts ou les opinions, ne sont déterminées que par le caprice. Il n’en est rien cependant. Que l’on ait pour l’architecture de cette époque, ou une admiration, ou un blâme de parti pris, il faut avoir affaire à la géométrie, pour se rendre compte de ces compositions ; or, la géométrie ne peut passer pour une science de fantaisistes.

Dans la rose de Saint-Nicaise, non-seulement les rayons sont rectilignes, mais aussi les jambettes, qui font l’office d’étrésillons obliques ; mais en supposant un effort, une pression sur un point de la circonférence, ces étrésillons auraient eu besoin eux-mêmes d’être étrésillonnés pour résister à cette pression. En observant, par exemple, la contexture des plantes, on remarque que les réseaux qui forment les feuilles, la pulpe de certains fruits, présentent un système cellulaire très-résistant, si l’on tient compte de la ténuité des filaments et de la mollesse de ces organes. C’est un principe analogue qui dirige les maîtres dans le tracé des roses du XVe siècle. Ils conservent quelques rayons, et remplissent les coins laissés entre eux par une véritable arcature cellulaire, assez semblable à celle des organes des végétaux.

Ainsi est tracée la rose occidentale de la sainte Chapelle du palais. Six rayons rectilignes la divisent en six grands segments, qui sont remplis par deux courbes principales étrésillonnées par un réseau de courbes secondaires. Les charges ou pressions se répartissent dès lors sur l’ensemble de l’arcature. Mais il ne faut pas croire, comme plusieurs affectent de le dire, que ces courbes sont capricieusement agencées, elles dérivent d’un tracé géométrique très-rigoureux. Le rayon de l’œil ab ayant été tracé, la portion du grand rayon bc restant a été divisée en trois parties égales. La ligne ae est le diamètre d’un hexagone, sur les côtés duquel ont été posés les centres f des portions de cercle bg. Sur le côté ff’ de l’hexagone a été posé le centre h de la portion de cercle gi ; du point h il a été tirée une ligne parallèle au grand rayon aB ; prenant le tiers de la portion de circonférence cB, on a obtenu le point j. De ce point j on a tiré une ligne tangente à la courbe gi, qui donne l’axe sur lequel doivent se rencontrer les courbes du réseau secondaire