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et résistants, tels, par exemple, que le liais de Tonnerre, et que, profitant des qualités particulières à ces pierres calcaires, ils donnaient aux compartiments de leurs fenêtres, aux meneaux et aux réseaux des sections, une ténuité qui ne fut jamais dépassée. Dans l’article Construction, on peut se rendre compte de la légèreté extraordinaire des membres des claires-voies champenoises, en examinant les figures relatives à l’église Saint-Urbain de Troyes, bâtie à la fin du XIIIe siècle. Mais à Reims même, il existait une église dont nous parlons fréquemment, Saint-Nicaise, bâtie par l’architecte Libergier, et dont l’ordonnance, la structure et les détails étaient d’une valeur tout à fait exceptionnelle. De cette église, démolie au commencement de ce siècle, il ne nous reste que la dalle tumulaire de son architecte, aujourd’hui déposée dans la cathédrale ; quelques fragments de pavages et d’ornements, des plans, un petit nombre de dessins et une admirable gravure. Au-dessus d’un porche très-remarquablement dessiné[1], au centre de la façade occidentale, s’ouvrait une rose d’une composition toute champenoise, en ce qu’elle formait plutôt un immense fenestrage qu’une rose proprement dite, inscrit sous le formeret de la voûte de la nef.

Nous présentons (fig. 10) cette composition. L’arc A est le formeret ou plutôt un premier arc-doubleau de la grande voûte. Le cercle qui inscrit le réseau est indépendant de cet arc et ne s’y rattache que par les cinq sommiers B. Le réseau est, conformément à la donnée rémoise, indépendant du cercle, ainsi que le fait voir la coupe en C. Pour maintenir ce cercle, ont été posés les cercles-étrésillons D, E, F. On observera que dans le tracé du réseau, l’arcature externe est étrésillonnée par une suite de jambettes G, qui ne tendent plus toutes au centre, comme les rayons des roses de la première moitié du XIIIe siècle, mais qui ont une résistance oblique, et par cela même empêchent une déformation qui s’est produite parfois. En effet, il arrivait, pour des roses d’un grand diamètre et dont les membres avaient une faible section, que la déformation se produisait, ainsi que l’indique la figure 11. Si une partie de la circonférence de ces roses subissait une pression trop forte, par suite d’un tassement ou d’un écartement, l’œil pivotait sur son centre et les rayons, au lieu de tendre à ce centre, faisaient tous un mouvement de rotation à leur pied[2].

Les accidents qui résultaient de ce mouvement n’ont pas besoin d’être signalés ; ils compromettaient la solidité de tout l’ouvrage, en déterminant des épaufrures et en enlevant au réseau tout son roide. Ce n’était pas, certes, dans les roses robustes de la cathédrale de Reims que de pa-

  1. Voyez Porche.
  2. La section des réseaux ayant beaucoup de champ (voyez celle du réseau de la rose sud de Notre-Dame de Paris), et peu de largeur, pour laisser plus de place aux vitraux, il est évident que si une pression s’exerçait sur un point du grand cercle, les rayons, ne pouvant rentrer en eux-mêmes, trouvant une résistance sur leur champ, poussaient l’œil dans le sens le plus faible de leur section et le faisaient pivoter.