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aspect, le savoir du constructeur est fait pour nous donner à réfléchir. Car dans ce grand châssis de pierre, les effets des pressions sont calculés avec une adresse rare. D’abord, en jetant les yeux sur l’appareil indiqué dans notre figure, on verra que toute la partie supérieure du grand cintre, compris le clavage de l’arcature externe G, ne charge pas le réseau, qui ne pèse sur lui-même qu’à partir des coupes H. Que ces charges sont reportées sur les rayons principaux K, lesquels sont étrésillonnés dans tous les sens ; que l’appareil est tracé de manière à éviter les brisures en cas d’un mouvement. Que les coupes étant toujours normales aux courbes, les pressions s’exercent dans le sens des résistances. Que les écoinçons ajourés B, qui supportent une pression considérable, sont combinés en vue de résister de la façon la plus efficace à cette pression. Que les armatures de fer destinées à maintenir les panneaux de verre, pris en feuillure, dans l’épaisseur du réseau, ajoutent encore au système général d’étrésillonnement[1].

Quand l’ingénieur Polonceau imagina le système de cercles de fer pour résister à des pressions entre le tablier et les arcs d’un pont, il ne faisait, à tout prendre, qu’appliquer un principe qui avait été employé six siècles avant lui. On vanta, et avec raison, le système nouveau ou plutôt renouvelé, mais personne ne songea à tourner les yeux vers la cathédrale de Paris et bien d’autres édifices du XIIIe siècle, dans lesquels on avait si souvent et si heureusement employé les cercles comme moyen de résistance opposé à des pressions. Dans les deux roses du transsept de Notre-Dame de Paris, il n’était pas possible de trouver un moyen plus efficace pour résister à la pression qui s’exerce sur le côté curviligne de ces triangles que le cercle de pierre B, étrésillonné lui-même puissamment par

  1. Cette rose sud du transsept de Notre-Dame de Paris, par suite d’un mouvement prononcé d’écartement qui s’était produit dès les fondations, dans les deux contre-forts du pignon (le sol sur ce point étant compressible), avait subi de telles déformations, sans que toutefois ces déformations eussent causé une catastrophe, que le cardinal de Noailles, au commencement du dernier siècle, entreprit de faire reconstruire à neuf ce réseau de pierre. Mais les coupes furent si mal combinées et les matériaux d’une si médiocre qualité, que l’ouvrage menaçait ruine en ces derniers temps ; on avait d’ailleurs refait les écoinçons inférieurs pleins, croyant probablement que cette modification donnerait plus de solidité à l’ouvrage, ce qui était une grande erreur, puisque ces écoinçons reposent eux-mêmes sur une claire-voie que l’on chargeait ainsi d’un poids inutile. Il fallut donc, il y a quelques années, refaire cette rose. Heureusement, des fragments anciens existaient encore, les panneaux des vitraux primitifs avaient été replacés ainsi que les armatures de fer. Il fut donc facile de reconstituer la rose dans sa forme première (cette forme avait été quelque peu modifiée, notamment dans la coupe des profils). Un puissant chaînage fut posé en L et en M, pour éviter tout écartement ; les contre-forts furent consolidés. La rose du nord n’avait pas été refaite, bien qu’elle se fût déformée par suite d’un écartement des contre-forts ; il a suffi, pour la restaurer, de la déposer, et de refaire les morceaux brisés sous la charge par suite de cet écartement. Mais ce qui fait ressortir la résistance de ces grands châssis de pierre, lorsqu’ils sont bien combinés, c’est qu’ils demeurent entiers pendant des siècles, malgré les accidents tels que ceux que nous signalons.