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pendants de la belle antiquité, voilà ce qui n’est pas soutenable. Cela peut être dans les données classiques de nos écoles, mais point dans les données antiques, et c’est, il faut le dire, faire bien peu d’honneur aux artistes grecs que de croire qu’ils auraient érigé en principe la théorie des pendants, qui n’est qu’une sorte d’instinct humain dont il faut tenir compte, mais sans lui donner la valeur d’une question touchant à l’art.

Les architectes du moyen âge ne se sont ni plus ni moins soumis à cet instinct vulgaire que les artistes grecs. Ils ne l’ont pas dédaigné, mais ils ont fait passer avant, les convenances, les besoins, et des principes harmoniques analogues à ceux des Grecs. Quand les maîtres du moyen âge ont élevé un monument dont la destination comporte deux parties semblables, des pendants, en un mot, ils n’ont pas affecté la dissemblance. Les plans de leurs églises, de leurs grandes salles, sont symétriques, suivant la signification moderne du mot[1]. Mais les plans de leurs châteaux, de leurs palais, présentent les irrégularités d’ensemble que l’on retrouve non moins profondes dans les villæ et dans les maisons des anciens. Jamais le plan du Palatin même, conçu sous l’empire, à une

    sacré par excellence. Observons aussi les nombres 16 — 25 — 36, qui expriment les hauteurs des parties supérieures des trois chapiteaux : le premier est le carré de 4 ; le second est le carré de 5 ; le troisième est le carré de 6.

    « Nam quadrati numeri potentissimi ducuntur, ainsi que Censorin nous l’enseigne dans son traité De die natali, au chapitre XIV (dans l’édition de Venise, 1581, cette citation se trouve au chapitre IV).

    « Ai-je besoin d’ajouter que ces nombres carrés eux-mêmes conservent encore aujourd’hui le nom de puissances, puisque les mathématiciens disent dans le langage usuel : deuxième puissance, troisième puissance d’un nombre, pour exprimer le carré ou le cube ?

    « Mais portons notre attention surtout sur les nombres 9, 16 et 25, qui correspondent aux trois hauteurs du petit chapiteau. Ce sont les carrés des nombres 3, 4 et 5, lesquels servent à former le triangle symbolique (égyptien) qui a joué un si grand rôle dans l’antiquité. Ce triangle sert d’ailleurs à déterminer l’inclinaison de l’échine des chapiteaux de Pestum. Il sert encore à déterminer l’inclinaison de l’échine des chapiteaux du Parthénon (ordre intérieur) ; seulement, dans ce dernier exemple, le triangle est renversé : c’est le côté vertical qui est égal à 4, et le côté horizontal qui est égal à 3.

    « Si la hauteur de la partie inférieure du chapiteau du grand ordre (à Pestum) avait pu être égale à 13º au lieu de 15º, la hauteur totale de ce chapiteau aurait été elle-même égale à 49º, c’est-à-dire au carré de 7. J’ai expliqué dans un mémoire sur cet édifice pourquoi le nombre 15 avait été préféré au nombre 13.

    « Quoi qu’il en soit sur ce dernier point, il est de fait qu’à Pestum tous les nombres employés sont impairs ou carrés. C’est une loi générale. « Imparem enim numerum observari moris est », dit Végèce dans son traité De re militari, lib. III, cap. VIII. »

  1. Dans ces plans, il faut tenir compte des modifications ou adjonctions faites après coup, et qui ont détruit les similitudes. C’est ce que ne font pas toujours les personnes qui supposent que les architectes du moyen âge cherchaient l’irrégularité. Ainsi avons-nous entendu souvent des critiques mettre sur le compte d’une conception première des adjonctions ou modifications postérieures de quelques siècles.