Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 8.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[rose]
— 47 —

parties d’arcatures, lorsqu’on monta les grandes orgues. En A, est tracé la coupe de cette rose. Des détails sont nécessaires pour faire apprécier la valeur de cette structure. Nous donnons en A (fig. 5) la coupe sur l’œil, renforcé par le profil a, comme on renforce le moyeu d’une roue de carrosse. En B, la section d’une des colonnettes intérieures, dont le diamètre a 0m,14 avec le profil b de la base. En C, un des chapiteaux des colonnettes extérieures, avec la base c et son renfort. En D, la section de l’arcature extérieure et la section du segment de cercle externe qui les réunit. L’épaisseur de cette arcature externe et interne n’a pas plus de 0m,23, et celle des colonnettes, y compris le renfort, dans lequel sont scellés les pitons, 0m,18. Il n’est pas de rose du moyen âge dont le réseau présente de plus faibles sections relativement au diamètre du vide, et il n’en est pas qui ait mieux résisté à l’action du temps. Si nous revenons à la figure 4, nous observerons qu’en effet, l’appareil est à la fois très-simple et très-habile ; les pressions s’exercent sur les morceaux de pierre, de façon à éviter toute chance de brisure. Les colonnettes-étrésillons, renforcées à leurs extrémités par la saillie des bases et des chapiteaux, donnent beaucoup de roide à tout le système et s’appuient bien sur les sommiers et les têtes d’arcatures. L’œil, plus épais que tout le reste du réseau, offre un point central résistant. Ce réseau est entièrement taillé dans du cliquart d’une qualité supérieure ; les profils, les moindres détails ont conservé toute leur pureté. La sculpture des fleurons, ainsi que celle des chapiteaux, est admirablement traitée. Autrefois ce réseau était peint et doré. On voit encore, sur les fûts des colonnettes, la trace d’étoiles d’or qui les couvraient sur un fond d’azur. Quand on examine en détail cette charmante composition, qu’on se rend compte du savoir et de la finesse d’observation qui ont présidé à son exécution, deux choses surprennent : c’est le développement si rapide de cet art qui, à peine sorti du roman, était si sûr de ses moyens et de l’effet qu’il voulait produire ; c’est encore de prétendre nous donner à croire que ce sont là les expressions pénibles d’un art maladif, étrange, soumis aux capricieux dévergondages d’une imagination encore un peu barbare, sans liens avec les hardiesses de l’esprit moderne. En vérité, dans une époque comme la nôtre, où des architectes ne parviennent pas toujours à maintenir des murs en pleine pierre dans leur plan vertical, on pourrait se montrer plus modestes et plus soucieux de s’enquérir des méthodes de ces maîtres, qui savaient combiner un énorme châssis de pierre de façon à le soustraire aux chances de destruction pendant six ou sept cents ans. Mais comment prouver la clarté du soleil à ceux qui, non contents d’avoir un bandeau sur les yeux, ne souffrent pas volontiers que chacun puisse chercher la lumière ?

La rose occidentale de la cathédrale de Paris, comme nous le disions tout à l’heure, ne le cède à aucune autre, même d’une époque plus récente, comme volume de matière mise en œuvre, comparativement à la surface vitrée, d’autant que les évidements sont peu considérables.