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de moulures ont un aspect robuste qui rassure l’œil et produit le plus heureux effet ; la sculpture est d’ailleurs traitée merveilleusement. Le géométral C fait voir comment l’assise des sommiers d conserve son lit supérieur horizontal pour l’arc ogive, et comment elle forme coupe latéralement pour recevoir les claveaux des berceaux g.

Le XIIIe siècle, en développant son système de voûtes et en soumettant de plus en plus la section des piles à la section des arcs, perd ces compositions fermes et hardies. Cependant, jusque vers 1250, les sommiers des voûtes sont parfois décorés pour établir la transition entre le chapiteau et les arcs. Nous en avons un exemple à la salle synodale de Sens, qui date de cette époque. Au-dessus des chapiteaux, entre les boudins et dans les cavets des arcs, grimpent des feuillages jusqu’au niveau du lit supérieur du sommier. Les sommiers de la voûte de la chapelle de la Vierge, dans la cathédrale d’Auxerre, posés sur les deux colonnes isolées de l’entrée, sont richement décorés de feuillages et de crochets entre les nervures et les colonnettes portant les formerets[1]. Dans le cloître de l’église de Semur en Auxois, on voit également des sommiers décorés de crochets entre les nerfs saillants des arcs[2]. Cette méthode consistant à donner de la richesse aux sommiers est particulière à la Bourgogne, où le goût de l’ornementation plantureuse se conserve tard. Ainsi, dans l’architecture du XIIIe siècle, l’emploi de l’arcature aveugle, pour occuper les soubassements ou certaines parties pleines de la construction, est fréquents[3]. Les moulures qui composent les petites archivoltes tombant sur les chapiteaux forment, à leur naissance, un faisceau maigre (bien que ce faisceau déborde le diamètre de la colonnette) par l’opposition même de ces membres fins au-dessus d’un fût lisse. La lumière qui s’attache sur la colonnette est plus large et prend plus d’importance que n’en peuvent avoir tous les filets de lumière accrochés par les moulures. De là résulte un effet désagréable en ce que la chose portée ne semble pas peser sur la chose qui porte. Donc, pour remédier à ce défaut, une tête, ou un paquet de feuilles, ou un crochet jaillit de ce faisceau de moulures entre les archivoltes. Autour du collatéral du chœur de Saint-Étienne d’Auxerre, ce sont des têtes qui sortent du sommier des archivoltes de l’arcature. À la base du clocher — non terminé — de l’église de Saint-Père sous Vézelay[4], ce sont de beaux crochets, largement épanouis, qui donnent de la puissance aux sommiers de la grande arcature fig. 5. Supposons ce crochet supprimé, la naissance des archivoltes trilobées sur les tailloirs des chapiteaux est maigre et porte gauchement (voyez la section horizontale A de cette naissance sur le tailloir). La tige

  1. Voyez Construction, fig. 84. La construction de cette chapelle remonte à la fin de la première moitié du XIIIe siècle.
  2. Même date.
  3. Voyez Arcature.
  4. Partie construite de 1240 à 1250.