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[siège]
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Charles VI, dans les sièges, il n’est plus question de ces beffrois, de ces grosses machines dont l’emploi était si chanceux. Les places sont investies, les assiégeants élèvent des bastilles à l’entour, tracent des fossés de contrevallation ; commencent à établir des épaulements munis de canons, et même encore d’engins à contre-poids, d’arbalètes à tour, essayent de faire brèche, et tentent l’assaut quand ils ont pu parvenir à ruiner un pan de mur ; ou font des boyaux de tranchée, comblent des fossés et emploient la mine. Le siège de Melun, décrit par J. Juvénal des Ursins[1], indique ces diverses opérations. Le roi d’Angleterre et le duc de Bourgogne viennent assiéger la ville de Melun et la font complétement investir[2]. Elle est défendue par le sire de Barbazan, de braves gentilshommes et une population dévouée. Les Anglais tracent leurs lignes de contrevallation et de circonvallation ; ils munissent de pieux et de fossés les bastilles qui sont élevées de distance en distance. « Si furent d’un costé et d’autre les bombardes, canons et vuglaires assiz et ordonnez, qui commencèrent fort à jetter contre les murs et dedans la ville : les compagnons aussi de dedans d’autre costé tiroient pareillement de grand courage coups de canon, et d’arbalestres, et plusieurs en tuoient. »

Sur divers points les Anglais étaient parvenus à faire brèche ; des pans de murs s’étaient écroulés dans les fossés. Cependant le roi d’Angleterre refusait toujours d’ordonner l’assaut. Quand un seigneur allemand, de Bavière, arriva sur ces entrefaites et se mit du côté des Bourguignons. « Il s’émerveilloit fort de ce qu’on n’assailloit point la ville, et en parla au duc de Bourgongne, lequel luy respondit que autres fois il en avoit fait mention, mais que le roy d’Angleterre n’en estoit pas d’opinion. »

Le duc bavarois obtint cependant du roi que l’assaut serait donné. On fait amas d’échelles, de fascines pour combler les fossés. Barbazan laisse les assaillants descendre au fossé et s’amasser sur un point, puis il fait apparaître une grosse compagnie de braves gens qui, sur les remparts ruinés, couvre les assaillants de projectiles pendant qu’il les fait prendre en flanc par une troupe secrètement sortie d’une poterne percée au niveau du fond du fossé. Les Bourguignons et les Allemands firent retraite, non sans laisser beaucoup des leurs, car, pendant qu’ils cherchaient à remonter le long de la contrescarpe, des arbalétriers en grand nombre, paraissant tout à coup sur la crête des murailles, leur envoyaient force viretons.

Les assiégeants firent donc miner, puisqu’ils ne pouvaient emporter la place de vive force. « De quoy se doubtoient bien ceux du dedans ; pour laquelle cause ils firent diligence d’escouter és caves, s’ils oirroyent rien, et s’ils n’entendroient point que on frappast sur pierres, ou quel-

  1. En 1420. — Hist. de Charles VI.
  2. Item. « Le roy Henry fist clorre son host, tout autour, de bons fossez, et n’y avoit que quatre entrées, où il y avoit bonnes barrières que on gardoit par nuit ; par quoy on ne povoit sourprendre l’ost du roy Henry. » (1420.) (Mémoires de Pierre de Fenin.)