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Les gens de Toulouse jurent qu’ils n’ont jamais agi en ennemis. — « Barons, fait le comte, c’est trop à la fois pour moi de votre offense et de vos raisons… »

En dépit des avis, des observations les plus prudentes, le comte prétend que la ville de Toulouse doit dédommager ses troupes des pertes éprouvées devant Beaucaire. « Nous retournerons en Provence quand nous serons riches assez, mais nous détruirons Toulouse de telle sorte que nous n’y laisserons pas la moindre chose qui soit belle ou bonne… — Puisque ceux de Toulouse ne nous ont pas trahis, réplique don Gui, vous ne devriez point les condamner ; sinon par jugement… » L’évêque intervient, engage les gens de Toulouse à sortir pacifiquement au-devant du comte ; l’abbé de Saint-Sernin tient aux bourgeois et chevaliers de la ville le même langage. En effet, on se dispose à recevoir le lion du comte en dehors des murs. « Mais voilà que par toute la ville se répand un bruit, un propos, des menaces : « Pourquoi, barons, ne vous en retournez-vous pas tout doucement, à la dérobée (dans vos maisons) ? Le comte veut qu’on lui livre des otages, il en a demandé, et s’il vous trouve là dehors, il vous traitera comme canaille. » Ils s’en retournent, en effet ; mais tandis qu’ils vont par la ville se concertant, les hommes du comte, écuyers et damoiseaux, enfoncent les coffres et prennent ce qui s’y trouve… » À cette vue, l’indignation s’empare des habitants. Tout à coup, pendant que les gens du comte s’introduisent dans les logis et brisent les serrures, une clameur s’élève du sein de la ville. « Aux armes, barons ! voici le moment ! » Tous alors sortent dans les rues, se rassemblent en groupes ; chevaliers, bourgeois, serviteurs, femmes et vieillards, tous s’emparent de l’arme qui se présente sous leur main ; devant chaque maison s’élève une barricade : meubles, pieux, tonneaux, bancs, tables, sortent des caves, des portes ; sur les balcons s’accumulent des poutres, des cailloux. « Montfort ! » s’écrient les Français et Bourguignons. « Toulouse ! Beaucaire ! Avignon ! » répondent ceux de la ville. La mêlée est sanglante ; les troupes du comte Gui battent en retraite, et cherchent à se rallier sous une grêle de briques, de pavés, de pieux… À grand’peine parviennent-elles à se frayer passage à travers les barricades qui s’élèvent à chaque instant. « Que le feu soit mis partout ! » cri le comte de Montfort, quand il désespère de se maintenir dans la ville insurgée. Saint-Remezy, Joux-Aigues, la place Saint-Estève, sont en flammes. Les Français se sont retranchés dans l’église, dans la tour Mascaron, dans le palais de l’évêque et dans le palais du comte de Comminges. Mais les Toulousains élèvent des barrières, creusent des fossés et attaquent ces postes. Entre la flamme et le peuple soulevé, les troupes du comte se forment en colonne afin de se faire jour ; repoussées, elles se rejettent vers la porte Sardane : de ce côté encore impossible de percer la foule des assaillants. Le comte se retire au château Narbonnais, à la nuit, ayant perdu beaucoup de monde, plein de rage et de soucis.

Toutefois, le lendemain, les habitants se laissent prendre au piège que