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ainsi un peu plus de la moitié du périmètre de la ville, mais les assiégés étaient en communication avec la campagne, par la porte de Sion, qui fait face au midi, et par les poternes qui donnent sur la vallée du Cédron.

Cinq jours après leur arrivée, les croisés tentèrent une première attaque, et s’emparèrent des ouvrages extérieurs.

Aujourd’hui les environs de Jérusalem sont complètement dépourvus de bois de haute futaie : alors les croisés ne purent en trouver qu’en petite quantité ; cependant l’armée s’employa à couper et à charrier tous les bois gros ou menus que l’on put découvrir, soit pour établir des tours et des machines, soit pour tresser des claies.

Les ouvriers qui n’avaient point de ressources personnelles reçurent une paye prélevée sur le trésor commun, car le comte de Toulouse seul possédait encore assez d’argent pour employer des hommes à ses frais.

La chaleur, le manque d’eau, firent périr la plupart des bêtes de somme ; on dépouilla leurs carcasses pour employer les peaux à revêtir les engins et les tours mobiles. Les assiégés ne perdaient pas leur temps, et, s’étant de longue main pourvus de bois, de cordes, de fer, d’acier et d’outils, ils travaillaient sans relâche à fabriquer des pierrières, à installer des bretêches, à disposer des poutres sur les remparts.

Des vaisseaux génois mouillèrent, sur ces entrefaites, dans le port de Joppé, apportant des matériaux, des bois, du fer, des ouvriers habiles ; Ce secours arriva fort à propos. Le seigneur Gaston de Béarn fut choisi pour diriger les travaux d’attaque du nord. « Au midi[1] l’armée du comte de Toulouse et tous ceux qui servaient sous ses ordres ne montraient pas moins d’empressement à suivre l’impulsion générale. Ils étaient même d’autant plus animés au travail, que le comte avait plus de richesses que les autres, et qu’il avait reçu dernièrement de nouveaux renforts, tant en hommes qu’en approvisionnements de tous les objets dont il pouvait avoir besoin. Les gens que la flotte avait amenés étaient venus se réunir aux troupes qui formaient son camp, et lui avaient apporté tous les matériaux ou les instruments nécessaires pour les constructions qu’il faisait faire. Ils avaient, en effet, des cordes, des marteaux et beaucoup d’autres outils de fer ; de plus, les excellents ouvriers qui étaient arrivés aussi, avaient une grande habitude de tous les travaux de constructions et de machines, et ils rendirent de grands services aux croisés, en leur enseignant des procédés plus prompts. Les Génois qui avaient débarqué à Joppé étaient commandés par un noble, nommé Guillaume, surnommé l’Ivrogne, qui avait beaucoup d’habileté pour tous les travaux d’art. »

Il est aisé de reconnaître, par le récit de Guillaume de Tyr et des auteurs arabes, qu’à cette époque, c’est-à-dire trois ans après son arrivée en Orient, l’armée des croisés avait fait de rapides progrès dans l’art des sièges. Les ordres sont précis, les conseils plus rapidement

  1. Guillaume de Tyr, liv. VIII.