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[serrurerie]
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quer les façons sur ces points et à diminuer les forces. Nous avons déjà présenté dans cet article, et dans l’article Grille, un certain nombre d’ouvrages assemblés qui constatent l’attention des serruriers du moyen âge à laisser aux fers la plus grande résistance possible aux points d’attache, de liaison ; à éviter les affaiblissements causés par les trous de boulons, ou par les passages d’une barre dans une autre. En effet, les trous sont habituellement renflés, les fers croisés sont coudés et non affamés ; les rivures mêmes sont faites dans les parties larges et là où le fer est pur. La lime et nos moyens mécaniques, avec lesquels on arrive à couper le fer comme on coupe du bois, ont fait introduire dans la ferronnerie un système d’assemblages qui se rapproche beaucoup trop de celui de la menuiserie. Cela produit peut-être des ouvrages d’une apparence plus nette, mais la solidité y perd, et notre serrurerie se disloque facilement ou se brise au droit des assemblages. La question est toujours une question de forge, et si les assemblages que l’on fait aujourd’hui dans la serrurerie sont trop souvent défectueux, c’est qu’on préfère recourir à la mécanique plutôt que de façonner le fer au marteau et à bras d’homme.

Il serait trop long de donner dans cet article tous les assemblages adoptés par les serruriers du moyen âge. Nous nous contentons d’en présenter quelques-uns. Voici (fig. 54) des assemblages à trous renflés. Les châssis de grille assemblés à tenons et goupilles ne présentent aucune solidité ; il est facile d’ailleurs de faire sortir les tenons de leurs mortaises, en faisant sauter la goupille à l’aide d’un poinçon. L’exemple A présente l’angle d’une grille de fenêtre en saillie sur le nu du mur, ce que l’on nommait un cabaust[1]. La barre d’angle passe dans un trou renflé posé diagonalement en a, les traverses horizontales b étant forgées d’un seul morceau avec leurs retours. L’exemple B donne un fragment de rampe ; tous les fers passent les uns dans les autres et ont dû être posés ainsi. Les barres d’extrémités c, et celles intermédiaires de deux en deux c′, ont été façonnées avec le trou renflé d, à travers lequel les tigettes e ont été passées et rivées. Les barres f ont été coulées dans la barre d’appui g ; après quoi, les trous renflés h ont été façonnés entre chacune de ces barres f. Alors on a passé les extrémités des barres c c′ par les trous h ; ainsi les barres f ont été prendre leur place entre les brindilles e. On a passé les barres c et f par les trous renflés de la traverse basse i ; on a rivé les extrémités des barres c, c′, sur les rondelles k, rapportées sur la barre d’appui ; puis, pour terminer, on a posé les bagues, qui sont simplement enroulées et non soudées. Le retour m, avec son œil renflé n, forme poignée à chaque extrémité de la rampe, et fait l’office

  1. D’où est dérivé le mot cabaret (de cabia). Les boutiques où l’on vendait le vin en détail étaient fermées de grilles saillantes sur la voie publique, de cabausts, cabarets. Il y a peu d’années, toutes les boutiques de marchands de vin étaient encore munies de barreaux, en souvenir de cette tradition.