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[serrurerie]
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de boulon qui passe dans sa bielle[1]. On observera que les redents et même l’ornement du sommet ne sont pas une simple décoration, mais ajoutent à la résistance du triangle de fer en étrésillonnant ses côtés, et en formant au-dessus de la bande horizontale comme une fermette. Aussi le serrurier a-t-il pu n’employer que des fers d’un faible échantillon relativement à la longueur de la potence et au poids qu’elle doit soutenir ; or, cette potence fonctionne depuis plus de quatre cents ans.

En B, est figurée une seconde potence, composée d’après un autre système, mais présentant au moins autant de rigidité que la première. Les fers des côtés du triangle donnent la section p, et ceux de l’intérieur la section q. Dans le grain d’orge ménagé le long de ces fers, entrent les ornements de tôle qui roidissent tout le système. Les fers du triangle et de l’intérieur sont assemblés à tenons avec clavettes, ainsi que le montre le détail s. Cette potence pivote dans deux pitons scellés à la muraille[2].

Nous ne saurions trop insister sur ce point : dans les ouvrages de serrurerie du moyen âge, on ne cherche pas à dissimuler les assemblages. Les fers, au droit de ces assemblages, restent francs ou prennent plus de force, comme nous l’avons montré dans l’exemple figure 45. On se garde bien de diminuer leur résistance là où ils fatiguent.

Outre les grilles disposées par panneaux s’embrevant entre des montants, on faisait aussi des grilles par compartiments assemblés, et cela par des moyens simples et solides. Cette grille (fig. 51) fournit un exemple de ces sortes de combinaisons[3]. C’est un ouvrage du XVe siècle. Il se compose de montants A scellés dans le pavé. Entre ces montants, renforcés en B, sont serrées des traverses C, lesquelles portent un petit tenon à chaque extrémité. La partie supérieure des montants se termine par un fort goujon rivé sur la barre d’appui D. Des cercles inscrivant des quatre-lobes sont inscrits entre les montants, la traverse et la barre d’appui. Des demi-cercles remplissent la partie inférieure. En a, b et c, sont tracées les sections de la traverse C, des cercles et des quatre-lobes ; en d, est figurée l’extrémité des lobes. Des goujons rivés e réunissent toutes ces pièces dont les sections hexagonales se prêtent à une juxtaposition parfaite. Cet ensemble présente beaucoup de solidité, est facile à assembler, et n’exige de soudures qu’à l’extrémité des lobes et pour fermer les cercles. Les montants n’ont que 0m,024 de largeur sur 0m,042 d’épaisseur.

  1. M. Millet, architecte de la cathédrale de Moulins, a bien voulu relever cette ferrure avec le plus grand soin pour nous la communiquer.
  2. Cette potence était scellée le long d’une muraille de tour à Carpentras, au-dessus d’un petit puits. Il en existe encore une à peu près semblable à Avignon ; mais cette dernière était destinée à porter une torche (XVe siècle).
  3. Il existe une grille semblable à celle-ci à Gand (salle d’armes). On en voyait une autre à peu près pareille dans l’église de Saint-Denis, avant la restauration de 1816 (dessins de Percier).