Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 8.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[sculpture]
— 258 —

Reims de nombreux débris. On ne trouve pas dans ce portail cette unité de style qui, sauf l’exception que nous venons de signaler à Notre-Dame de Paris, frappe dans la statuaire de l’Île-de-France. Une autre école, celle de Bourgogne, si belle déjà au commencement du XIIe siècle, conserve sa liberté d’allure pendant le XIIIe siècle, qu’il s’agisse de la statuaire ou de la sculpture d’ornement. La puissance, l’énergie, un faire hardi, vivant, sont les caractères de cette école. Il ne faut pas lui demander, au moment de l’émancipation des écoles laïques, la finesse, le contenu, la distinction, qui forment les qualités de l’école de l’Île-de-France. Elle cherche les grands effets, et elle les obtient. La sculpture bourguignonne participe peut-être plus qu’aucune autre de l’architecture ; on peut se rendre compte de cette qualité en voyant les compositions des pignons des églises de Vézelay et de Saint-Père[1]. Cette sculpture est, dans tous les monuments de cette province, grande d’échelle, relativement à l’architecture, commande parfois les dispositions de celle-ci au lieu de s’y soumettre. Elle est d’ailleurs taillée avec une verve et un entrain qui placent cette école au premier rang dans l’art monumental.

Nous donnons (fig. 69) une tête d’un des anges thuriféraires de dimension colossale qui garnissent le sommet du pignon occidental de l’église de Vézelay[2]. Le caractère de cette physionomie ne rappelle en rien la statuaire de l’Île-de-France. Il y a quelque chose d’audacieux dans ces traits qui contraste avec le calme des têtes de l’école parisienne. Cette autre tête de Vierge, provenant du même portail (fig. 70)[3], présente un type particulier que nous ne retrouvons, ni dans la statuaire de Paris, ni dans celle de Reims, d’Amiens ou de Chartres. L’arrangement des cheveux, le désordre de la coiffure, le réel cherché dans les traits, et jusqu’au modelé, large, par plans vivement accusés, signalent le style de cette statuaire bourguignonne vers le milieu du XIIIe siècle. En même temps nous donnons (fig. 71) un des chapiteaux de la même façade et de la même époque. Les qualités de la statuaire se retrouvent dans cette ornementation plantureuse, largement modelée, et qui semble prendre vie sous le ciseau de l’artiste. Pour bien faire saisir les différences de ces écoles, même en plein XIIIe siècle, voyons la sculpture de la salle synodale de Sens, bâtie vers 1240, presque en même temps que le pignon occidental de Vézelay. Sens est Champagne, mais la salle synodale fut bâtie par un architecte de Paris, avec des matériaux de Paris, et, ce qui paraît vraisemblable, à l’aide d’une subvention du roi saint Louis[4]. Or, voici un des groupes des chapiteaux extérieurs des grandes fenêtres (fig. 72). Certes, le naturalisme en sculpture ne peut guère être poussé plus loin : quelle différence de style entre cette sculpture et celle du chapiteau de

  1. Voyez Pignon, fig. 8 et 9.
  2. Ces statues mesurent 2m,15 (voy. Pignon, fig. 9).
  3. Cette figure est placée à la droite du Christ.
  4. Voyez Salle, fig. 1 et 2.