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[sculpture]
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signaler certains rapports avec le système de composition de la figure 33, copiée sur un manuscrit saxon du British Museum et, dans la statue A qui décore l’un des piédroits de la même porte, on reconnaît l’influence byzantine qui agit si puissamment à Moissac dont la sculpture dérive de l’école de Toulouse. Ces animaux du pilier de Souillac, qui se mordent et se battent, ne se rencontrent ni dans la sculpture gallo-romaine, ni dans la sculpture ou la peinture gréco-romaine de Syrie. Pour trouver des analogues à cet art, il faut recourir aux monuments scandinaves, nord-européens, islandais, ou à ces manuscrits dits saxons de Londres, ou encore à certaines sculptures hindoues ; toutefois, il faut reconnaître que dans l’exemple que nous fournit l’église de Souillac, il y a une tendance marquée à imiter la nature. Quelques-uns de ces animaux ont une apparence de réalité et ne sont plus agencés régulièrement pour former ornement. Les artistes avaient donc vu très-probablement un certain nombre de ces produits nord-européens, mais ils ne faisaient que s’en inspirer, s’en rapportant, pour l’exécution, à l’observation de la nature. Il serait difficile de donner la signification de cette sculpture étrange. Le bas-relief du tympan, dont ces piliers supportent l’archivolte, représente un sujet légendaire dans lequel un abbé et le démon se trouvent traiter de certaines affaires qui finissent au détriment du tentateur. Deux statues assises de saint Pierre et d’un saint abbé flanquent le bas-relief. Nous ne saurions indiquer une corrélation entre ces bas-reliefs et les piliers, si toutefois les artistes y ont songé.

À Moissac, on retrouve, sur le trumeau de la grande porte de l’église, des réminiscences de cet art nord-européen ou nord-hindou, dans ces lions entrelacés, superposés, compris entre deux dentelures curvilignes.

Ainsi donc l’école de sculpture de Toulouse venait se mélanger à Moissac, à Souillac, avec l’école des côtes occidentales de la France ; or, celle-ci semble avoir reçu des éléments orientaux d’une assez haute antiquité par des expéditions scandinaves ou normandes, tandis que l’école de Toulouse n’obéissait qu’à des traditions gallo-romaines profondément modifiées par un apport byzantin.

Il est loin de notre pensée de vouloir établir des systèmes ou des classifications absolues, et nous nous garderons, dans une question aussi complexe, de laisser de côté des exemples qui tendraient à modifier ces aperçus généraux sur les origines des arts français du moyen âge. Il reste peu de fragments d’architecture romane à Limoges. Cependant, par suite de l’établissement des comptoirs vénitiens dans cette ville, un mouvement d’art avait dû se produire dès le Xe siècle. Au point de vue de l’architecture, Saint-Front de Périgueux en est la preuve. Mais en ne considérant que la sculpture d’ornement, dans les villes du Limousin, on retrouve quelques traces d’un art qui n’est ni le roman de l’ouest, ni celui de Toulouse. Cet art décoratif paraît plus qu’aucun autre inspiré par la vue et l’étude de cette quantité d’objets, d’étoffes, de bijoux que les Vénitiens rapportaient, non-seulement de Constantinople, mais de