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sique, quant au style, que grecque ou gréco-romaine. Les arts des Perses avaient profondément pénétré la sculpture d’ornement de Byzance, à ce point que certains chapiteaux ou certaines frises de Sainte-Sophie, par exemple, semblent arrachés à des monuments de la Perse et même de l’Assyrie. On comprend parfaitement, en effet, comment des villes comme celle du Haouran, qui ne servaient que de lieux de repos, que d’étapes pour les caravanes se dirigeant sur Antioche, ne pouvaient pas recevoir de ces caravanes quantité de produits ou d’objets devant être livrés aux négociants à destination. En un mot, et pour employer une expression vulgaire, ces caravanes ne déballaient qu’à Antioche et ce qu’elles laissaient en chemin ne pouvait être que des objets de peu d’importance propres à être échangés contre la nourriture et le logement qu’elles trouvaient dans ces villes. Mais Constantinople était un entrepôt où venaient s’amasser tous les objets les plus précieux qu’apportaient du golfe Persique les caravanes qui remontaient le Tigre, passaient par la petite Arménie, par la Cappadoce, la Galatie et la Bithynie. À Constantinople, ces objets étaient vus de tous ; des artisans ou artistes perses s’y établissaient, l’art grec proprement dit, si vivace encore dans le Haouran, c’est-à-dire dans le voisinage de ces anciens centres grecs de Lycie, de Carie, de Cilicie, l’art grec, à Byzance, loin d’ailleurs de ses foyers primitifs, était étouffé sous l’apport constant de tous ces éléments persiques.

Ainsi donc, si nous entendons par art byzantin l’art de Constantinople au VIe siècle, nous devons, — en ce qui regarde la sculpture, — considérer cet art comme un mélange dans lequel l’élément persique domine essentiellement, non-seulement l’élément persique des Sassanides, mais celui même des Arsacides, et dans lequel l’élément grec est presque entièrement étouffé. Si, au contraire, nous entendons par art byzantin l’art de la Syrie du IVe au VIe siècle, nous admettrons que l’élément grec domine, surtout si nous prenons la Syrie centrale.

Les croisés, à la fin du XIe siècle et au commencement du XIIe, s’étant répandus en Orient depuis Constantinople jusqu’en Arménie, en Syrie et en Mésopotamie, il ne faut point être surpris si dans les éléments d’art qu’ils ont pu rapporter de ces contrées, on trouve et des influences grecques prononcées, et des influences persiques, et des influences produites par des mélanges de ces arts déjà effectués antérieurement. Si bien, par exemple, que certaines sculptures romanes de France rappellent le faire, le style même de quelques bas-reliefs de Persépolis, d’autres des villes du Haouran, d’autres encore de Palestine et même d’Égypte ; non que les croisés aient été jusqu’en Perse, mais parce qu’ils avaient eu sous les yeux des objets, des monuments même, peut-être, qui étaient inspirés de l’antiquité persique.

Reprenons l’examen de nos écoles françaises. L’école de sculpture d’ornement du Poitou et de la Saintonge étend ses rameaux jusqu’à Bordeaux, mais en remontant la Garonne elle ne va pas au delà du Mas d’Agen. Encore, dans cette dernière ville, cette école subit l’influence