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voisin, mais à produire un ensemble harmonieux et complet. Mais nous expliquerons plus loin les motifs de cette absence de noms sur les œuvres d’art du XIIIe siècle.

Nous n’avons guère donné jusqu’à présent que des exemples isolés tirés de ces grands ensembles, afin de faire apprécier leur valeur absolue. Il est temps de montrer comme la statuaire sait se réunir à sa sœur, l’architecture, dans ces édifices du moyen âge. C’est au XIIIe siècle que cette réunion est la plus intime, et ce n’est pas un des moindres mérites de l’art de cette époque.

Dans les monuments de l’antiquité grecque qui conservent les traces de la statuaire qui les décorait, celle-ci ne se lie pas absolument avec l’architecture. L’architecture l’encadre, lui laisse certaines places, mais ne se mêle point avec elle. Ce sont des métopes, des frises d’entablements, des tympans de frontons, des couronnements ou amortissements, pris entre des moulures formant autour d’eux comme une sorte de sertissure. L’architecture romaine, plus somptueuse, laisse en outre, dans ses édifices, des niches pour des statues, de larges espaces pour des bas-reliefs, comme dans les arcs de triomphe par exemple. Mais à la rigueur, ces sculptures peuvent disparaître sans que l’aspect général du monument perde ses lignes.

L’alliance entre les deux arts est bien plus intime pendant le moyen âge. Il ne serait pas possible, par exemple, d’enlever des porches de la cathédrale de Chartres, la statuaire, sans supprimer du même coup l’architecture. Dans des portails comme ceux de Paris, d’Amiens, de Reims, il serait bien difficile de savoir où finit l’œuvre de l’architecte et où commence celle du statuaire et du sculpteur d’ornements. Ce principe se retrouve même dans les détails. Ainsi, compose-t-on un riche soubassement sous des rangées de statues d’un portail (lesquelles sont elles-mêmes adhérentes aux colonnes, et forment, pour ainsi dire, corps avec elles) ; ce soubassement sera comme une brillante tapisserie ou les compartiments géométriques de l’architecture, où la sculpture d’ornement et la statuaire seront liés ensemble comme un tissu sorti de la même main. C’est ainsi que sont composés les soubassements du grand portail de Notre-Dame d’Amiens, tels sont ceux des ébrasements des portes de l’ancienne cathédrale d’Auxerre qui datent de la fin du XIIIe siècle, et beaucoup d’autres encore qu’il serait trop long d’énumérer. Entre ces soubassements, ceux d’Auxerre sont des plus remarquables. Les sujets sculptés sont pris dans l’Ancien et le Nouveau Testament. On y voit la Création, l’histoire de Joseph, la parabole de l’Enfant prodigue. Ce sont des bas-reliefs ayant peu de saillie, très-habilement agencés dans un réseau géométrique de moulures et d’ornements. L’aspect général, par le peu de relief, est solide, brillant, vivement senti ; les sujets sont traités avec une verve sans égale.

La figure 26 est un fragment de soubassement tapisserie, représentant l’histoire de l’Enfant prodigue. Dans les compartiments en quatre lobes A,