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proportion. Et ce n’est pas là l’effet d’une maladresse ou de l’ignorance de l’artiste ; toutes les figures assises de cette façade sont dans le même cas. De même, on pourra remarquer que les statues posées à quelques mètres au-dessus du sol, dans les monuments du moyen âge, ont, les bras relativement courts et très-rarement abandonnés le long du corps. C’était un moyen de donner de la grandeur aux figures et de la grâce aux mouvements. Vestris, le célèbre danseur, disait qu’il avait passé dix ans de sa vie à raccourcir ses bras. Et en effet, les bras sont parfois aussi gênants dans la statuaire que dans un salon. La plupart des statues antiques nous sont parvenues sans ces membres supérieurs ; elles ont ainsi un avantage en échappant par ce côté à la critique, mais celles qui en sont pourvues, font très-bien voir que les statuaires grecs ne se faisaient pas faute de dissimuler la longueur des bras de l’homme, soit par des artifices, des raccourcis, ou une diminution de la dimension réelle.

Mais il est une qualité, dans la bonne statuaire du moyen âge, dont on ne saurait trop tenir compte. C’est celle qui consiste à bien répartir la lumière sur les compositions ou les figures isolées, afin d’obtenir un effet, une pondération des masses. Les sculpteurs grecs des bons temps possédaient cette qualité ; ils savaient faire des sacrifices pour donner de la valeur à certaines surfaces lumineuses ; ils agençaient les mouvements de leurs figures en laissant toujours des larges parties éclairées. En effet, il faut, dans la sculpture monumentale, reposer l’œil du spectateur sur des masses simples, lumineuses, pour faire saisir un sujet ou le mouvement d’une figure, à une grande distance. Examinons les bas-reliefs ou les statues de notre école du XIIIe siècle, nous observerons qu’au milieu de la plus riche façade, fût-on éloigné du monument, ces bas-reliefs ou statues s’écrivent clairement. On a prétendu que les sculpteurs du moyen âge ne savaient pas faire de bas-reliefs et qu’ils procédaient toujours par la ronde-bosse. Cela n’est point exact. Comme les Grecs, lorsqu’on ne pouvait voir la statuaire qu’à une assez grande distance, ils procédaient en effet par juxtaposition de statues, ainsi que Phidias l’a fait pour les tympans des frontons du Parthénon, mais lorsque les sujets étaient placés près de l’œil, ils ne se faisaient pas faute d’adopter le mode bas-relief avec tous ses artifices. À Notre-Dame de Paris, on voit sur les soubassements des portes de la façade occidentale, des bas-reliefs très-caractérisés et très-habilement composés. Ceux qui sont placés dans les tympans de l’arcature de la porte de la Vierge sont, entre autres, d’une charmante facture et du meilleur style. L’un de ces bas-reliefs que nous donnons ici (fig. 23), et qui représente l’archange saint Michel terrassant le dragon, possède toutes les qualités de la meilleure statuaire. Excellente composition de lignes, pondération des masses, mouvement bien senti et exprimé, sobriété de moyens, noblesse de style. Cette composition peut rivaliser avec les belles œuvres de l’antiquité. Cette figure n’a rien de la roideur archaïque que