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[sculpture]
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leur établissement à l’ouest du Jura presque tous les Bourgondes étaient gens de métiers, ouvriers en charpente ou en menuiserie. Ils gagnaient leur vie à ce travail dans les intervalles de la paix et étaient ainsi étrangers à ce double orgueil du guerrier et du propriétaire civil, qui nourrissait l’insolence des autres conquérants barbares »[1].

C’est en effet dans les provinces de la Gaule romaine où s’établirent les Burgondes et les Visigoths que nous pouvons signaler un sentiment d’art étranger aux traditions gallo-romaines. C’est dans ces provinces de l’est conquises par les Burgondes et dans l’Aquitaine, occupée par les Visigoths, que les écoles de sculpture se développent plus particulièrement avant le XIIe siècle, tandis que les provinces occupées par les Francs demeurent attachées aux traditions gallo-romaines jusqu’au moment des premières croisades. Les Normands ne laissèrent pas d’apporter avec eux quelques ferments d’art, mais cela se bornait à ces ornements qu’on retrouve chez les peuples scandinaves et ne concernait point la statuaire qui semble leur avoir été tout à fait étrangère. Si les monuments normands les plus anciens, c’est-à-dire du XIe siècle, conservent quelques traces de sculptures, celles-ci se bornent à des entrelacs grossiers, à des imbrications et des intailles ; mais la figure n’y apparaît qu’à l’état monstrueux ; encore est-elle rare.

Les invasions scandinaves qui eurent lieu dès le VIe siècle sur les côtes de l’ouest avaient-elles aussi déposé quelques germes de cette ornementation d’entrelacs et de monstres tordus que l’on rencontre encore au XIe siècle sur les monuments du bas Poitou et de la Saintonge ? C’est ce que nous ne saurions décider. Quoi qu’il en soit, cette ornementation ne conserve plus le caractère gallo-romain abâtardi que l’on trouve encore entier dans le Périgord, le Limousin et une bonne partie de l’Auvergne pendant le XIe siècle et qui ne cessa de se reproduire en Provence jusques au XIIIe.

Nous avons montré par un exemple (fig. 2) ce qu’était devenue la statuaire au XIe siècle dans les villes d’Aquitaine ayant conservé des écoles d’art. Elle n’était plus qu’un pastiche grossier des ivoires byzantins répandus par les négociants en Occident. Cependant cette province, comme celles du Nord et de l’Est, fait au commencement du XIIe siècle un effort pour abandonner les types hiératiques ; elle aussi cherche le dramatique, l’expression vraie du geste, et elle ne dédaigne plus l’étude de la nature. Le musée de Toulouse et l’église de Saint-Sernin nous offrent de très-beaux spécimens de ce passage de l’imitation plate des types rapportés de Byzance à un art très-développé bien qu’empreint encore des données grecques byzantines.

Le fragment (fig. 12) qui représente un signe du zodiaque et qui fait

  1. Voyez Aug. Thierry, Lettres sur l’histoire de France, VIe « Quippe omnes fere sunt fabri lignarii, et ex hac arte mercedem capientes, semetipsos alunt. » Socratis. Hist. Éccl. lib. VII, cap. XXX, apud Script. rer. Gallic. et Franc., t.I, p. 604.