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nies de vitraux colorés, tenaient à leur donner un brillant et une solidité de ton supérieurs à la peinture d’ornement et qui pussent lutter avec l’or très-fréquemment employé alors. Pour obtenir cet éclat, ils devaient faire usage des glacis, et en effet la coloration des figures, lorsqu’elles sont peintes avec quelque soin, est obtenue principalement par des appositions de couleurs transparentes sur une préparation en camaïeux très modelés. Ces artistes, soit par tradition, soit d’instinct, avaient le sentiment de l’harmonie (leurs vitraux en sont une preuve évidente pour tout le monde). Du jour que l’or entrait dans la décoration pour une forte part, il fallait nécessairement modifier l’harmonie douce et claire admise par les peintres du XIIe siècle. L’or est un métal et non une couleur, et sa présence en larges surfaces dans la peinture force le peintre à changer toute la gamme de ses tons. L’or a des reflets clairs très-vifs, très-éclatants, des demi-teintes et des ombres d’une intensité et d’une chaleur auprès desquelles toute couleur devient grise, si elle est claire, obscure et lourde, si elle est sombre[1]. Pour pouvoir lutter avec ces clairs si brillants et ces demi-teintes si chaudes de l’or, il fallait des tons très-colorés, mais qui, pour ne pas paraître noirs, devaient conserver la transparence d’une aquarelle. C’est ainsi que les petits sujets décorant l’arcature de la sainte Chapelle haute du Palais à Paris étaient traités. Ces sujets, qui se détachent alternativement sur un fond de verre damasquiné de dorures ou d’or gaufré, avaient été peints très-clairs, puis rehaussés par une coloration transparente très-vive et des traits bruns. Cependant, avec l’or, tous les tons n’étaient pas traités de la même manière ; les bleus, les verts clairs (verts turquoise) sont empâtés, et ainsi posés, prennent une valeur très-colorante ; tandis que les rouges, les verts sombres, les pourpres, les jaunes, ont besoin, pour conserver un éclat pouvant lutter avec les demi-teintes de l’or, d’être apposés en glacis. Ces glacis semblent avoir été collés au moyen d’un gluten résineux, peut-être seulement à l’aide de ce vernis composé d’huile de lin et de gomme arabique. Quant à la peinture des dessous ou empâtée, elle est fine, et est posée sur une assiette de chaux très-mince ; ce n’est cependant pas de la fresque, car cette peinture s’écaille et forme couverte.

  1. Nous avons des exemples de l’effet que produit l’or à côté de tons à la fresque, à la cire ou même à l’huile empâtée. Des vêtements blancs sur un fond d’or paraissent sales, gris et ternes, les chairs sont lourdes. Les seuls tons qui se soutiennent sur des fonds d’or, sont les tons transparents que l’on peut obtenir par des glacis. Et encore faut-il faire sur l’or, soit un travail de gaufrure, soit un treillis puissant, une mosaïque. Les voûtes des Stanze peintes par Raphaël, au Vatican, nous fournissent des observations d’un grand intérêt à cet égard ; particulièrement celle de la salle de la Dispute du saint sacrement. Les fonds d’or sont craquelés comme des mosaïques, et les sujets à fresque sont d’une vigueur de coloration qui n’a pu être obtenue que par des retouches, soit à l’œuf, soit de toute autre manière, apposées en glacis. La même observation peut être faite dans la Librairie de la cathédrale de Sienne, en examinant la voûte absidale de l’église Santa-Maria del Popolo, à Rome, attribuée à Pinturicchio.