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et cela est à leur louange, car il existe dans leurs ordres mêmes des écarts notables de proportions ; les proportions sont chez eux relatives à l’objet ou au monument, et non pas seulement aux ordres employés. Nous avons expliqué ailleurs[1] comment certaines lois dérivées de la géométrie avaient été admises par les Égyptiens, par les Grecs, les Romains, les architectes byzantins et gothiques, lorsqu’il s’agissait d’établir un système de proportions applicable à des monuments très-divers ; comment ces lois n’étaient point un obstacle à l’introduction de formes nouvelles ; comment, étant supérieures à ces formes, elles ont pu en gouverner les rapports de manière à présenter un tout harmonique à Thèbes aussi bien qu’à Athènes, à Rome aussi bien qu’à Amiens ou à Paris ; comment les proportions dérivent, non point d’une méthode aveugle, d’une formule inexpliquée et inexplicable, mais de rapports entre les pleins et les vides, les hauteurs et les largeurs, les surfaces et les élévations, rapports dont la géométrie rend compte, dont l’étude demande une grande attention, variable d’ailleurs, suivant la place et l’objet ; comment, enfin, l’architecture n’est pas l’esclave d’un système hiératique de proportions, mais au contraire peut se modifier sans cesse et trouver des applications toujours nouvelles, des rapports proportionnels, aussi bien qu’elle trouve des applications variées à l’infini, des lois de la géométrie ; et c’est qu’en effet les proportions sont filles de la géométrie aussi bien en architecture que dans l’ordre de la nature inorganique et organique.

Les proportions en architecture s’établissent d’abord sur les lois de la stabilité, et les lois de la stabilité dérivent de la géométrie. Un triangle est une figure entièrement satisfaisante, parfaite, en ce qu’elle donne l’idée la plus exacte de la stabilité. Les Égyptiens, les Grecs, sont partis de là, et plus tard les architectes du moyen âge n’ont pas fait autre chose. C’est au moyen des triangles qu’ils ont d’abord établi leurs règles de proportions, parce qu’ainsi ces proportions étaient soumises aux lois de la stabilité. Ce premier principe admis, les effets de la perspective ont été appréciés et sont venus modifier les rapports des proportions géométrales ; puis ont été établis les rapports de saillies, des pleins et des vides, qui, pendant le moyen âge du moins, sont dérivés des triangles. Nous avons indiqué même comment dans les menus détails de l’architecture les lignes inclinées à 45º à 60º et à 30º ont été admises comme génératrices des tracés de profils. Les triangles acceptés par les architectes du moyen âge comme générateurs de proportions sont : 1o le triangle isocèle rectangle ; 2o le triangle que nous appelons isocèle égyptien. c’est-à-dire dont la base se divise en quatre parties et la verticale tirée du milieu de la base au sommet en deux parties et demie[2] ; 3o le

  1. Voyez le neuvième entretien sur l’architecture.
  2. Voyez ce que nous disons à propos de l’emploi de ce triangle à l’article Ogive, et dans le neuvième entretien sur l’architecture.