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tomie comparée présente, dans la succession des êtres organisés, une échelle dont les degrés sont à peine sensibles, et qui nous conduit, sans soubresauts, du reptile à l’homme. C’est pour cela que nous donnons réellement à cette architecture, comme à celle de la Grèce, le nom d’art, c’est-à-dire que nous la considérons comme une véritable création, non comme un accident.

Ne perdons pas de vue les exemples précédents. Dans ces exemples, la même méthode de tracé est adoptée ; l’expérience, le besoin auquel il faut satisfaire, le sentiment d’un mieux, d’une perfection absolue, guident évidemment l’artiste. Il s’agit de soumettre la matière à une forme appropriée à l’objet, en la dégageant de tout le superflu, en lui donnant l’apparence qui indique le mieux sa fonction. Les architectes ne se contentent pas encore des résultats obtenus, car l’hiératisme est l’opposé de cet art, toujours en quête de nouvelles applications, toujours cherchant, mais sans abandonner le principe créateur. Dans ces derniers exemples, la matière a été réduite déjà à son minimum de force ; amoindrir encore les résistances, c’était se soumettre aux éventualités les plus désastreuses. Mais le minimum de force obtenu, il s’agit de donner à ces membres une apparence plus légère, sans inquiéter le regard. Les architectes ont observé que les nerfs saillants ajoutés aux boudins, donnent à ceux-ci une apparence de fermeté, de résistance qui, loin de détruire l’effet de légèreté, l’augmente encore. Ils observent que les corps soumis à une pression, comme les arcs de pierre, résistent en raison, non de leur surface réelle, mais de la figure donnée à cette surface. Le principe que nos ingénieurs modernes ont appliqué avec l’exacte connaissance des lois de résistance des corps, à la fonte de fer, par exemple, les architectes du moyen âge cherchent à l’appliquer à la pierre, mais en tenant compte des qualités propres à cette matière, qui est loin d’avoir la force de cohésion du métal. En effet, si une colonne de fonte dont la section horizontale (fig. 24) est A résiste à une pression beaucoup plus considérable que celle dont la section est B (ces deux sections ayant d’ailleurs la même surface), il est évident qu’on ne peut donner à une colonne de pierre la section A, parce qu’il y aurait rupture sous la charge en a. Mais si une pile de pierre, au lieu d’être taillée suivant la section horizontale C, est taillée sur le panneau D (à surfaces égales d’ailleurs), la pile D devra résister à une pression plus forte que celle C, les évidements n’étant pas assez prononcés pour qu’on ait à redouter des ruptures en b. À l’œil, la pile D paraîtra et plus légère et plus résistante que celle C. Ajoutons encore que la pierre à bâtir, étant extraite en parallélipipèdes, à surfaces égales de lits, le morceau D est plus voisin, taillé, de l’équarrissement du bloc que le morceau C. Le panneau D profite mieux de la forme naturelle de la pierre que le panneau C. Mais pourquoi la pile D résistera-t-elle mieux à une charge, à une pression, que la pile C, puisque, après tout, le développement de la paroi externe ne donne pas pour les pierres, comme pour le métal,