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numents du commencement de l’empire, on signale l’intervention d’un certain goût dans ces détails d’architecture, il faut en savoir gré aux artistes grecs qui travaillaient pour eux. Déjà même on constate que les profils ne reproduisent que des galbes consacrés, des poncifs exécutés avec plus ou moins de soin, mais qui ne sont qu’une sorte d’exagération des types admis chez les populations grecques et étrusques, types dont évidemment on a dès lors perdu l’origine et la raison d’être. À la fin de l’empire, l’exécution fait défaut, et les profils, amollis, chargés, paraissant tracés au hasard ou abandonnés à des ouvriers affaiblissant chaque jour les types primitifs, manquent absolument de caractère ; ils ne sont reconnaissables que par la négligence même de leur tracé et de leur facture. Nous ne parlerons pas des profils, rares d’ailleurs, que l’on peut observer dans les monuments de l’époque romane primitive, dernier reflet affaibli encore de l’art de la décadence romaine. Ce n’est que vers la fin du XIe siècle, alors que l’architecture tend à s’affranchir de traditions abâtardies et à chercher de nouvelles voies, que l’on peut constater, dans la façon de tracer les profils, certaines méthodes empruntées au seul art auquel on pouvait alors recourir, l’art byzantin. Ces emprunts toutefois ne sont pas faits de la même manière sur la surface de la France actuelle. Déjà des écoles apparaissent, et chacune d’elles procède différemment quant à la manière d’interpréter les profils de l’architecture byzantine ou quant à la façon de continuer les traditions romaines locales. Ainsi, par exemple, si les gens de Périgueux bâtissent, dès la fin du Xe siècle, leur église byzantine par le plan et la donnée générale, ils conservent dans cet édifice les profils de la décadence romaine ; le sol de Vésonne étant couvert encore à cette époque d’édifices gallo-romains. Si les architectes du Berry et du haut Poitou, au commencement du XIIe siècle, conservent dans la disposition des plans et les données générales de leurs édifices, les traditions romaines de l’empire, leurs profils sont évidemment empruntés à l’architecture gréco-romaine de Syrie. En Provence, sur les bords du Rhône, de Lyon à Arles, les profils de la période romane paraissent calqués sur ceux des byzantins. En Auvergne, il s’établit dans l’architecture une sorte de compromis entre les profils des monuments gallo-romains et ceux rapportés d’Orient. En Bourgogne, les édifices, bâtis généralement de pierres dures et d’un fort échantillon, ont pendant le XIIe siècle une ampleur et une puissance que l’on ne retrouve pas dans l’Île-de-France et la Normandie, où alors on bâtissait avec de petits matériaux tendres ; et cependant, malgré ces différences marquées entre les écoles, on reconnaît, à première vue, un profil du XIIe siècle parmi ceux qui sont antérieurs ou postérieurs à cette époque. Les caractères tenant au temps sont encore plus tranchés, s’il est possible, pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles, bien que certaines écoles persistent. Ces faits peuvent ainsi s’expliquer : pour les profils, il y a le principe qui régit leur tracé par périodes, indépendamment des écoles ; puis il y a le goût, le sentiment dépendant de l’école.