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de profils tracés en raison de l’objet et de la matière. Chez les Égyptiens, les profils, très-rares d’ailleurs, ne sont qu’une forme hiératique ; ils s’appuient sur une tradition, non sur un raisonnement. Chez les Ioniens déjà, le profil est une expression. Chez les Doriens, il est tracé pour satisfaire à une nécessité matérielle et en vue de produire un effet harmonieux ; il a ses lois propres et n’est plus le résultat d’un caprice. Aussi, à dater du développement complet de l’architecture grecque, les profils appartenant à l’architecture des peuples occidentaux ont leurs périodes qui permettent de les classer suivant un ordre méthodique. Un profil de la brillante époque grecque se reconnaît à première vue, sans qu’il soit nécessaire de savoir à quel monument il appartient. Il en est de même du profil romain de l’empire, du profil byzantin, du profil roman de l’Occident, du profil gothique. Certains profils appartenant à des architectures très-différentes peuvent avoir et ont en effet des analogies singulières : ainsi on établit des rapports entre le tracé des profils grecs et celui des profils employés au XIIe siècle en Occident. Des styles d’architectures très-voisins au contraire présentent des profils tracés sur des données absolument étrangères l’une à l’autre. Il n’y a nulle analogie entre les profils des écoles romanes qui s’éteignent au XIIe siècle et les profils de celle qui naît dans l’Île-de-France vers 1160. Le profil romain de l’empire diffère essentiellement du profil grec. L’étude des profils est donc nécessaire : 1o pour reconnaître les principes qui ont régi les styles divers d’architecture ; 2o pour classer ces styles et constater la date des monuments. Dès l’instant que l’on a étudié ces monuments avec quelque soin, il est facile de reconnaître, par exemple, que tel profil n’est qu’un dérivé de tel autre, et que par conséquent il lui est postérieur ; que telle moulure appartient à un art qui s’essaye ou qui touche à son déclin.

Dans tout profil, il y a deux éléments, l’utilité et le sentiment plus ou moins vrai de la forme et de l’effet que doit produire cette forme. Le sentiment ici n’est autre chose que le moyen de traduire un besoin sous une forme d’art ; mais ce sentiment est soumis lui-même à certaines lois dont on ne saurait s’écarter et dont on pourra tout à l’heure apprécier l’importance.

Ce qui caractérise les profils des belles époques de l’architecture, c’est l’expression vraie du besoin auquel ils doivent satisfaire et une distinction, dirons-nous, dans leur tracé, qui les signale aux regards et les grave dans le souvenir. Cette distinction dérive d’une sobriété de moyens, d’un choix dans le galbe et d’une observation fine des effets produits par la lumière. Il est tel profil dans le tracé duquel on peut reconnaître la main d’un artiste consommé, d’un esprit délicat, d’un constructeur réfléchi et savant. Aucune partie de l’architecture n’est moins soumise au caprice ou à la fantaisie que celle-là, et l’on peut dire du profil ce qu’on dit du style : « Le profil, c’est l’architecture. »

Les Romains, peu délicats en fait d’art, ne paraissent pas avoir attaché d’importance au tracé des profils, et si, dans quelques-uns de leurs mo-