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portes sont étroites, un plafond d’un seul morceau de pierre. Le boudin qui orne le tableau, le chapiteau et la base, sont d’ailleurs pris dans l’épannelage rectangulaire des pieds-droits, et ne forment pas saillie sur le nu du mur.

Dans les habitations décorées avec luxe, les linteaux étaient surmontés de dessus de porte en menuiserie ; car nous avons souvent constaté la présence de scellements sur ces linteaux et sur les parements qui les recouvrent. Si nos hôtels modernes étaient un jour abandonnés, pillés et ruinés, on serait bien embarrassé de dire en quoi consistait la décoration de nos portes d’appartements, car elles ne sont, après tout, qu’une ouverture quadrangulaire dans un mur, ouverture que l’on revêt de boiseries, de stucs et de peintures. Sans donner un rôle aussi important à la décoration d’emprunt, les architectes du moyen âge ne se préoccupaient cependant que de l’encadrement du tableau qui restait apparent ; les lambris, les dessus de portes et les tapisseries faisaient le reste ; la pierre n’apparaissait absolument que dans le tableau et sur cette moulure d’encadrement. Cette simplicité des baies de portes intérieures était cachée sous la richesse des boiseries et tentures qui concouraient à la décoration des pièces, car il ne faudrait pas croire que nos aïeux habitaient entre des murailles nues[1], comme celles que nous laissent voir les ruines des châteaux. Beaucoup de ces portes d’appartements étaient d’ailleurs garnies de tambours ou de clotets, qui, ne s’élevant qu’à une hauteur de 6 à 7 pieds, empêchaient l’air extérieur de pénétrer dans la pièce lorsqu’on ouvrait un vantail. On ne possédait pas alors de calorifères, et si l’on ouvrait une porte, on introduisait un cube d’air froid, dans les pièces chauffées, fort désagréable. Ces tambours et ces portières étaient destinés à éviter cet inconvénient. On sait comme on gelait dans les appartements de Versailles, grâce à ces portes nobles qui, chaque fois qu’on les ouvrait, faisaient entrer une vingtaine de mètres d’air glacial dans les pièces à feu ; et comme Mme  de Maintenon, qui craignait les coups d’air, n’avait trouvé d’autre remède contre ce soufflet perpétuel que d’établir son fauteuil dans ce que le duc de Saint-Simon appelle un tonneau.

Les portes des appartements du moyen âge, et jusqu’au règne de Louis XIV, sont donc basses et peu larges, et ne sont, si l’on peut ainsi parler, que des soupapes bien munies de clapets, pour éviter les courants d’air. Il faut en prendre son parti. Ces portes ne s’élargissent qu’autant qu’elles servent de communication entre de grandes salles destinées à offrir une série de pièces propres à donner des fêtes ou à recevoir un grand concours de monde, mais elles conservent toujours une hauteur variant entre 2 mètres et 2m,50 au plus.

Peut-être voudra-t-on prendre une idée de la manière dont ces portes d’appartements étaient décorées, dans des châteaux ou palais. C’est pour rendre intelligible ce que nous venons de dire à ce sujet, que nous avons

  1. Voyez le Dictionnaire du mobilier.