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lourd, plus massif. Les profils sont moins étudiés, la taille plus grossière. Il est évident que les architectes auteurs de ces œuvres appartenant à des édifices si voisins de Paris avaient été soustraits aux influences qui avaient agi si puissamment sur les artistes de Picardie, de l’Auvergne, du Berry, de la Bourgogne et du Midi. Les influences directes orientales n’avaient pas pénétré dans l’Île-de-France, le Beauvoisis et la Normandie. Les artistes de ces contrées restaient sous l’empire des traditions gallo-romaines et des objets envoyés de Constantinople ou de Venise, tels que certains meubles et bijoux, des ustensiles et des étoffes. C’est cependant au milieu de cette école de l’Île-de-France et des bords de l’Oise, que l’architecture appelée gothique prend naissance dès le milieu du XIIe siècle et se développe avec une rapidité prodigieuse. Ce qui tendrait à prouver une fois de plus que les croisades n’ont été pour rien dans cet essor de l’art propre à l’école laïque française, vers le milieu du XIIe siècle, et qu’au contraire, si les croisades ont eu une influence sur l’art de l’architecture chez nous, ce n’a été que sur certaines écoles romanes, et particulièrement sur celles de la Bourgogne, du Berry, du Lyonnais, des provinces méridionales et occidentales.

L’exemple que nous avons donné, figure 52, pris sur la porte principale de l’église de Saint-Étienne de Nevers, bien qu’il appartienne aux provinces du Centre et nullement à la Bourgogne, diffère cependant de la plupart des types adoptés à la même époque en Auvergne. Une porte latérale de l’église de Notre-Dame du Port, à Clermont (Puy-de-Dôme), nous fournit un spécimen bien caractérisé de ces baies d’églises auvergnates. La figure 56 donne l’élévation extérieure de cette porte. La baie est rectangulaire, à vives arêtes, sans ébrasements. Un linteau d’une seule pièce, renforcé dans son milieu, supporte un tympan et est déchargé par un arc plein cintre. Il y a, dans cet exemple, la trace d’une tradition antique évidente. Deux figures, les bras levés comme pour supporter une imposte saillante, reçoivent les extrémités du linteau, très-franchement accusé. Ce linteau est décoré d’un bas-relief représentant l’adoration des mages et le baptême de Jésus. Le tympan représente le Christ dans sa gloire, bénissant, avec deux séraphins. Des deux côtés de l’archivolte, deux groupes représentent l’annonciation, et probablement la naissance du Christ (ce dernier bas-relief étant très-altéré).

Sur l’un des flancs de la cathédrale du Puy en Velay, il existe une porte semblable à celle-ci comme structure, mais dont l’arc de décharge est déjà brisé. Ces portes datent des premières années du XIIe siècle, peut-être de la fin du XIe.

Pendant la première moitié du XIIe siècle, on élevait dans la Saintonge et l’Angoumois un nombre prodigieux d’églises remarquables par leur style et la beauté de leur structure. Les portes principales de ces églises sont toutes conçues, à peu près d’après un type uniforme. Elles sont basses, habituellement dépourvues de linteau et de tympan, et leurs archivoltes plein cintre sont très-richement décorées d’ornements em-