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Nous nous sommes souvent demandé, en voyant les portes des villes de Pompéi, de Nîmes, d’Autun, de Trèves, toutes si bien disposées pour l’entrée des chariots et des piétons, pourquoi, depuis qu’on a prétendu revenir aux formes de l’antiquité grecque et romaine, on n’avait jamais adopté ce parti si naturel des issues jumelles ? La réponse à cette question, c’est que l’on s’est fait une sorte d’antiquité de convention, lorsqu’on a prétendu en prescrire l’imitation. Placer un pilier dans le milieu d’une voie paraîtrait, aux yeux des personnes qui ont ainsi faussé l’esprit de l’antiquité, se permettre une énormité. Beaucoup d’honnêtes gens considèrent les portes Saint-Denis et Saint-Martin à Paris, si peu faites pour le passage des charrois, comme étant ce qu’on est convenu d’appeler une heureuse inspiration d’après les données de l’antiquité. Mais pour l’honneur de l’art antique, jamais les Romains, ni les Grecs byzantins, ni les Gallo-romains, n’ont élevé des portes de ville aussi mal disposées. Leurs portes sont larges, doubles, et n’ont jamais, sous clef, une hauteur supérieure à celle d’un chariot très-chargé. Elles sont accompagnées de poternes, ou portes plus petites pour les piétons, profondes ; c’est-à-dire formant un passage assez long, plus long que celui des baies charretières, afin de permettre au besoin un stationnement nécessaire. Quelquefois même ces poternes sont accompagnées de bancs et d’arcades donnant sur le passage des chariots. Telle est, par exemple, la disposition de la porte dite d’Auguste, à Nîmes.

Les tours et remparts touchant à la porte de Saint-André d’Autun sont construits en blocages revêtus extérieurement et intérieurement d’un parement de petits moellons cubiques, suivant la méthode gallo-romaine. Bien que les détails de cette porte soient médiocrement tracés et exécutés, l’ensemble de cette construction, ses proportions, produisent l’effet le plus heureux.

Mais on conçoit que ces portes n’étaient pas suffisamment couvertes, fermées et défendues pour résister à une attaque régulière. Il est vrai, qu’en temps de siège, on établissait, en avant de ces entrées, des ouvrages de terre et bois, sortes de barbacanes qui protégeaient ces larges issues. Ces ouvrages de terre, avec fossés et palissades, s’étendaient même parfois très-loin dans la campagne, formaient un vaste triangle dont le rempart de la ville était la base et dont le sommet était protégé par une tour ou poste en maçonnerie. À Autun même, on voit encore, de l’autre côté de la rivière d’Arroux, un de ces grands ouvrages triangulaires de terre, dont les deux côtés aboutissaient à deux ponts et dont le sommet était protégé par un gros ouvrage carré en maçonnerie, connu aujourd’hui sous le nom de temple de Janus, et qui n’était en réalité qu’un poste important tenant l’angle saillant d’une tête de pont. Ce qui reste de cette tour carrée fait assez voir qu’elle était dépourvue de portes au niveau du rez-de-chaussée, et qu’on ne pouvait y entrer que par une ouverture pratiquée au premier étage et au moyen d’une échelle ou d’un escalier de bois mobile.