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À l’époque donc où les Anglais vinrent assiéger Orléans, ceux-ci, suivant la rive gauche, se présentèrent, le 12 octobre 1428, par la Sologne, devant le boulevard des Tourelles (fig. 8, situé en A). Ce boulevard n’était alors qu’un ouvrage de terre et de bois. Le 22, ils s’en emparèrent, et les habitants d’Orléans abandonnèrent le fort des Tourelles B, pour se retirer dans la bastille Saint-Antoine F, située dans l’île, après avoir eu la précaution de couper l’arche I de cette partie du pont. Les Anglais, de leur côté, coupèrent l’arche K. Les gens d’Orléans établirent à la hâte un boulevard de bois à la Belle-Croix, en C. Ce fut dans cet espace étroit qu’eurent lieu quelques-uns des faits d’armes de ce siège mémorable. La bastille Saint-Antoine F était précédée d’une chapelle D placée sous le vocable de ce saint, et d’une aumônerie E destinée à recevoir les pèlerins et voyageurs attardés. En H était la porte de la ville, et en G le châtelet. Après la levée du siége, l’ouvrage des Tourelles fut réparé, ainsi que le boulevard A. Cette fois, ce boulevard fut revêtu en pierre, ainsi que le fait connaître un plan sur parchemin dressé par un sieur Fleury, arpenteur, en 1543, et reproduit en fac-simile par M. Jollois, dans son Histoire du siège d’Orléans[1].

Un second pont-levis était pratiqué en avant de la porte H de la ville. Une vue perspective à vol d’oiseau (fig 9) présente l’entrée du pont d’Orléans, avec son boulevard sur la rive gauche, du côté de la Sologne, après les réparations faites depuis le siège de 1428. Plus tard, en 1591 et 1592[2], on reconstruisit ce boulevard A avec casemates en forme de ravelin à doubles tenailles, ainsi que des fouilles récentes l’ont fait reconnaître. Mais alors la porte des Tourelles existait encore. Le boulevard reproduit dans notre figure 9 était entouré d’un fossé rempli par les eaux de la Loire, et muni d’un pont-levis s’abattant parallèlement à la rivière.

Un second pont-levis séparait (comme au temps du siège) le boulevard du fort des Tourelles. Ce fut en effet, en voulant défendre ce pont-levis, attaqué par les gens d’Orléans, après la prise du boulevard, que périt le capitaine anglais et quelques hommes d’armes avec lui. Jeanne Darc y fit mettre le feu au moyen d’un bateau chargé de matières combustibles. L’existence de ce pont-levis en 1428 ne saurait donc être douteuse. Ce qu’on appelait la Belle-Croix, située en C sur l’avant-bec d’une des piles du pont, était un monument de bronze, consistant en un crucifix érigé sur un piédestal orné de bas-relief représentant la sainte Vierge, saint Pierre, saint Paul, saint Jacques, saint Étienne, et les évêques saint Aignan et saint Euverte. Il était en effet d’un usage général de placer une croix sur le milieu des ponts, pendant le moyen âge. En avant du

  1. Histoire du siége d’Orleans, par M. Jollois, ingénieur en chef des ponts et chaussées, 1833, petit in-folio, avec la Lettre à MM. les membres de la Société des antiquaires de France, 1834.
  2. Comptes de la ville.