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sur les deux côtés du tablier. C’est encore une raison de défense qui a motivé cette disposition, car partout où les ponts n’ont pas cette importance au point de vue militaire, s’il est pratiqué des avant-becs aigus en amont, les piles sont plates du côté d’aval, comme par exemple au pont de Saint-Étienne, à Limoges, décrit par M. Félix de Verneilh dans les Annales archéologiques[1]. Ce savant archéologue, auquel nous devons des travaux si précieux sur les monuments français du moyen âge, a observé aussi que dans plusieurs de ces ponts du Limousin, dont les piles sont très-épaisses relativement aux travées des arches, ces piles ne sont souvent composées que d’un parement de granit, au milieu duquel est pilonné un massif de terre. C’était là un moyen économique dont nous avons pu constater l’emploi, et qui remonte, pensons-nous, à une assez haute antiquité, car des restes de piles romaines nous ont présenté la même particularité. Les avant-becs de plusieurs ponts du Limousin donnent en section horizontale, non point un angle aigu ou droit, mais une courbe en tiers-point, ce qui avait l’avantage de permettre le glissement de l’eau courante et de donner plus de force à ces éperons ; car il est clair (fig. 6), que la section A présente une plus grande surface que la section B, par conséquent plus de poids et de résistance.

Revenons au pont de Cahors. On remarquera (fig. 5) que les escaliers extérieurs conduisant aux tours sont ouverts du côté de la ville, le long du parapet, de telle sorte que si le châtelet D était pris, fermant la porte de la tour E, les défenseurs pouvaient accabler les assaillants et recevoir des renforts de la ville. Seul l’escalier de la tour centrale G est pratiqué dans un exhaussement de l’avant-bec ; son entrée étant placée sous le passage, mais masquée, bien entendu, par la porte qui fermait ce passage. L’escalier de la dernière tour H est en communication avec le crénelage du poste I, et le poste, fermé du côté de la ville, était destiné à présenter un premier obstacle aux assaillants qui auraient pu faire une descente sur la rive de ce côté. Nous donnons (fig. 7) une vue perspective à vol d’oiseau de la tour E sur la rive opposée à la ville et de ses dépendances. Outre le châtelet extérieur A, une défense basse formait tête de pont sur cette rive, empêchait de débarquer près de la tour,

  1. Tome XX, p. 100.