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ceux du pont d’Avignon. Ses éperons aigus en aval comme en amont s’élèvent jusqu’au tablier, et forment des gares fort utiles, ce tablier n’ayant pas plus de 5 mètres de largeur. Il était autrefois défendu du côté opposé à la cité (rive gauche) par une tête de pont formidable qui enveloppait à peu près tout le faubourg actuel. Une chapelle du XVe siècle est accolée à sa première culée, en amont de ce côté. Sur la rive de la cité, il se reliait aux défenses de cette forteresse par une ligne de courtines flanquées. Ce pont sert encore aujourd’hui, bien qu’il soit depuis longtemps fort mal entretenu.

Le pont vieux de Béziers date à peu près de la même époque. Les arches sont plein cintre, celle du milieu plus élevée que les autres, de sorte que le tablier forme deux pentes peu prononcées. Les tympans de ce pont sont évidés par des arcades en prévision des crues de l’Hérault, et ses piles, plates du côté d’aval, sont en éperon du côté d’amont. Nous donnons (fig. 3) l’arche centrale de ce pont, avec son plan en A, et un détail B, indiquant la construction des avant-becs et des arches du côté d’amont. Son tablier a 5m,60 de largeur. Les tabliers des ponts d’Avignon et de Saint-Esprit sont de niveau, ce qu’explique d’ailleurs l’énorme longueur de ces ponts ; mais les ponts du moyen âge, d’une longueur ordinaire, présentent ordinairement deux pentes, l’arche centrale étant plus élevée et plus large que les arches latérales, afin de faciliter la navigation, et de laisser au milieu des rivières un débouché plus large et plus élevé aux crues. Cependant il est clair que les architectes cherchaient, autant que faire se pouvait, à éviter ces pentes, et beaucoup de leurs tabliers sont presque de niveau du moment que la situation des lieux leur permettait d’établir des quais et des culées élevés. Toutefois, alors qu’ils n’étaient pas forcés d’évider les tympans en prévision de fortes crues, ils se servaient des éperons des piles pour former des gares d’évitement, et ce programme leur a fourni de bons motifs d’architecture. Les exèdres du Pont-Neuf à Paris sont une tradition de cette disposition, qui, du reste, date de l’antiquité.

Il était pourvu à l’entretien des ponts, dit M. le baron de Girardot[1], « au moyen des péages appelés pontage, pontonage, pontenaye, pontonatge, enfin billette ou branchiette, à cause du billot ou de la branche d’arbre où l’on attachait la pancarte indicative des droits à payer. Le péage se percevait pour le passage en dessus, ou pour le passage en dessous. Un droit sur le sel transporté par bateaux fournissait à l’entretien coûteux du pont Saint-Esprit et des enrochements, sans cesse renouvelés, qui préservaient les piles des affouillements à redouter, à cause de la rapidité du fleuve. Les péages sur les ponts très-anciens avaient été établis de l’autorité des seigneurs ; mais, lorsque le pouvoir royal eut avancé son œuvre de centralisation, le roi seul put en établir à son

  1. Voyez l’article substantiel sur les ponts, publié par ce savant archéologue, dans les Annales archéologiques, t. VII, p. 17 et suiv.