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PLOMBERIE, s. f. Ouvrages en plomb battu ou fondu, destinés à couvrir les édifices, à conduire les eaux, à revêtir des charpentes exposées à l’air. La plomberie remplit un rôle important dans l’architecture du moyen âge ; c’était d’ailleurs une tradition antique, et l’on ne peut fouiller un édifice gallo-romain sans découvrir, dans les décombres quelques débris des lames de plomb employées pour le revêtement des chéneaux et même des combles. Sous les rois mérovingiens, on couvrait des édifices entiers, églises ou palais, en plomb. Saint Éloi passe pour avoir fait couvrir l’église de Saint-Paul des Champs de lames de plomb artistement travaillées. Eginhard[1] écrit, dans une de ses lettres, qu’il s’occupe de la couverture de la basilique des martyrs Marcellin et Pierre : « Un achat de plomb, dit-il, moyennant une somme de cinquante livres, fut alors convenu entre nous. Quoique les travaux de l’édifice, ajoute-t-il, ne soient pas encore assez avancés pour que je doive m’occuper de la couverture, cependant la durée incertaine de cette vie semble nous faire un devoir de toujours nous hâter, afin de terminer, avec l’aide de Dieu, ce que nous avons pu entreprendre d’utile. Je m’adresse donc à votre bienveillance dans l’espoir que vous voudrez bien me donner des renseignements sur cet achat de plomb… » Frodoard, dans son histoire de l’église de Reims[2], rapporte que l’archevêque Hincmar fit couvrir de plomb le toit de l’église Notre-Dame. Plus tard, à la fin du XIIe siècle, l’évêque de Paris, Maurice de Sully, laisse par testament cinq mille livres pour couvrir de plomb le comble du chœur de l’église cathédrale actuelle. L’industrie du plombier remonte donc aux premiers siècles du moyen âge et se perpétua jusques à l’époque de la renaissance, sans déchoir. Cette industrie cependant présente dans l’exécution certaines difficultés sérieuses dont nous devons entretenir nos lecteurs avant de faire connaître les divers moyens qui ont été employés pour les résoudre. Le plomb, comme chacun sait, est un métal très-lourd, très-malléable, doux, se prêtant parfaitement au martelage ; mais par cela même qu’il est malléable et lourd, il est disposé toujours à s’affaisser ou à déchirer les attaches qui le retiennent à la forme de bois qu’il est destiné à couvrir. Le travail du plombier doit donc tendre à maintenir les lames de plomb qu’il emploie d’une façon assez complète pour résister à l’affaissement causé par la pesanteur. À ce point de vue, les anciennes couvertures sont très-judicieusement combinées. De plus, la chaleur fait singulièrement dilater ce métal, de même que l’action du froid le rétrécit. S’il n’est pas laissé libre, s’il est attaché d’une manière fixe, il se boursoufle au soleil et arrache les attaches pendant les grands froids. Il faut donc : 1o qu’en raison de son poids, il soit maintenu énergiquement pour ne pas s’affaisser ; 2o qu’il soit libre de se dilater ou de se resserrer, suivant les changements de température. D’autres difficultés

  1. Einhardi epistolæ XLVI, ad abbatem.
  2. Cap. V.