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[plafond]
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autant une œuvre de menuiserie que de charpenterie[1]. Il recouvre une salle de 15 mètres de longueur sur 6m,50 de largeur, et se divise en cinq travées séparées par six poutres, les deux d’extrémités formant lambourdes. La figure 3 donne une partie d’une de ces travées, l’ensemble du plafond étant tracé en A. Entre les poutres P sont posées les solives S avec tenons à leurs extrémités. Les solives sont roidies par des entretoises E. Des panneaux B remplissent les intervalles. Ces panneaux sont décorés de parchemins pliés. Les poutres sont sculptées latéralement et sous leur parement ; des culs-de-lampe sont rapportés sous les abouts des solives.

Des détails sont nécessaires pour expliquer l’assemblage et la décoration de ce plafond ; nous les donnons dans la figure 4. En A est tracée la moitié du profil des poutres ; la ligne ponctuée a indique la portée de la solive B. Les culs-de-lampe C ont leur tailloir pincé en b sous cette portée. Les entretoises D sont arrêtées sur les solives, ainsi que l’indique le tracé perspectif D′ ; un épaulement E, légèrement incliné, reçoit leur about. En G nous donnons une coupe sur les solives, avec l’about de la poutre près de sa portée. En supposant le solivage enlevé, la poutre présente le tracé H. On voit ainsi que les culs-de-lampe sont indépendants et laissent passer derrière leur extrémité inférieure les moulures sculptées sur les poutres. Ce détail explique assez combien ce plafond, partie charpenterie, partie menuiserie, présente de roideur ; son aspect est agréable sans trop préoccuper le regard, ce qui est important, car les architectes du moyen âge et même ceux de la renaissance ne pensaient pas encore à ces compositions, majestueuses aux yeux des uns, grotesques aux yeux de beaucoup d’autres, dont on a couvert les plafonds depuis le XVIIe siècle, compositions qui, à tout prendre, ne sont que des plâtrages peints et dorés sur des lattis, accrochés avec des crampons de fer, des apparences masquant une grande pauvreté de moyens sous une couverte de moulages rapportés, simulant des marbres et des bronzes, voire quelquefois des tentures !

Dans la construction de leurs planchers, et par conséquent de leurs plafonds, les maîtres du moyen âge étaient toujours vrais ; ils montraient et paraient la structure. Il y avait plus de mérite à cela, pensons-nous, qu’à mentir sans vergogne aux principes élémentaires de la construction. On se préoccupait d’abord des combinaisons des pièces de charpente, puis on cherchait à les décorer en raison même de cette combinaison.

Dans les provinces méridionales de la France, on employait aussi les plafonds rapportés et cloués sur les solives ; c’est-à-dire que sous le solivage on clouait des planches, et sur ces planches des moulures formant des compartiments décorés de peintures. Ces sortes de plafonds étaient d’une grande richesse, et en même temps présentaient la légèreté que

  1. M. Thiérot, architecte à Reims, a bien voulu relever pour nous ce plafond avec le plus grand soin.