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[piscine]
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prises par le prêtre, « on a voulu, ajoute M. l’abbé Crosnier, tout à la fois conserver les anciens usages et tenir compte, sinon de la décision du pape, du moins des motifs qui l’avaient suscitée. On établit deux piscines, l’une réservée aux ablutions proprement dites, et l’autre destinée à recevoir les eaux ordinaires… »

C’est en effet à dater de la fin du XIIe siècle, que l’on voit les piscines géminées adoptées dans les chapelles des églises cathédrales et conventuelles, plus rarement dans les églises paroissiales. Les piscines géminées ou simples disparaissent vers le XVe siècle, alors que l’usage de prendre les ablutions est admis dans toutes les églises.

Peut-être avant le XIIe siècle avait-on des piscines transportables, des bassins de métal que l’on plaçait auprès de l’autel, car ce n’est qu’à dater de cette époque que l’on voit la piscine faire partie de l’édifice, qu’elle est prévue dans la construction ; encore les premières piscines paraissent-elles être des hors-d’œuvre, des appendices qui ne s’accordent pas avec l’architecture, tandis qu’au XIIIe siècle la piscine est étudiée en vue de concourir à l’ensemble de la structure.

Les chapelles absidales de l’église abbatiale de Saint-Denis, qui datent de Suger, possèdent des piscines simples en forme de cuvette accolée à l’un des piliers. À la fin du XIIe siècle, dans les chapelles de l’église abbatiale de Vézelay, nous voyons des piscines conçues d’après ce même principe et qui font un hors-d’œuvre. Voici (fig. 1) l’une d’elles, qui se compose d’une cuvette lobée avec un orifice au centre. La cuvette porte sur un faisceau de colonnettes percé verticalement, de manière à perdre les eaux dans les fondations. C’était un usage établi généralement, lors de l’établissement des premières piscines, de perdre les eaux sous le sol même de l’église. Plus tard, les piscines furent munies de gargouilles rejetant les eaux à l’extérieur, sur la terre sacrée qui environnait les églises. Cette piscine de Vézelay pose sur le banc qui fait le tour de la chapelle et reçoit l’arcature ; sa cuvette est alternativement ornée à l’extérieur de cannelures creuses et godronnées ; la base, le faisceau des quatre colonnettes et la cuvette sont taillés dans un seul morceau de pierre. Dans l’église de Montréal (Yonne), qui date de la même époque, derrière le maître autel et dans le banc même qui reçoit l’arcature, est creusée une cuvette de piscine (fig. 2) de forme carrée. Le banc servait ainsi de crédence pour déposer les vases nécessaires aux ablutions. Plus tard, les piscines prirent une certaine importance et furent faites en forme de niches pratiquées dans les parois des chœurs ou des chapelles. L’usage de la piscine était désormais consacré, de plus la cuvette simple était remplacée par deux cuvettes jumelles. On retrouve beaucoup de piscines de ce genre dès la fin du XIIe siècle. Elles affectent la forme de niches doubles séparées par un petit pilier, et dans la tablette desquelles sont creusées deux cuvettes de forme carrée, ou plus habituellement circulaires, avec un orifice au centre pénétrant dans la fondation.