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[piscine]
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communion, ne prenoit aucune ablution ; mais seulement pendant que les ministres de l’autel communioient du calice, un acolyte apportoit un autre vase pour laver les mains du prêtre, comme on fait encore aujourd’hui à Lyon, à Chartres et chez les Chartreux, et comme on faisoit encore à Rouen avant le dernier siècle, afin qu’il ne fût pas obligé de prendre la rinçure de ses doigts[1]. » Et plus loin[2] : « La dernière ablution avec l’eau et le vin ne s’y faisoit point alors (au XVIIe siècle), et on n’obligeoit point le prêtre de boire la rinçure de ses doigts. Il alloit laver ses mains à la piscine ou lavoir qui étoit proche de l’autel, sacerdos vadat ad lavatorium. La même chose est marquée dans le missel des Carmes de l’an 1574. Et le rituel de Rouen veut qu’il y en ait proche de tous les autels… » Guillaume Durand[3] dit qu’auprès des autels on doit placer une piscine ou un bassin dans lequel on se lave les mains. M. l’abbé Crosnier, dans une notice publiée dans le Bulletin monumental[4], pose ces diverses questions qu’il cherche à résoudre : « 1o Le prêtre a-t-il toujours pris les ablutions à la fin de la messe ? 2o La discipline de l’Église sur ce point a-t-elle été uniforme jusqu’au XIIIe siècle ? 3o A-t-elle été modifiée à cette époque, et qui est l’auteur de cette modification ? 4o Quelle est l’origine de la double piscine qu’on remarque dans presque toutes les églises du XIIIe siècle ? 5o L’usage de prendre les ablutions a-t-il été universel et sans exceptions depuis le XIIIe siècle ? » Jusqu’au XIIe siècle le prêtre lavait ses mains, à la fin des saints mystères, dans la piscine. Nous venons de voir que, d’après un ancien ordinaire de Rouen, le prêtre ne prenait aucune ablution ; celle-ci était versée dans la piscine pendant que les ministres communiaient sous l’espèce du vin.

Yves de Chartres s’exprime ainsi au sujet des ablutions : « Après avoir touché et pris les espèces sacramentelles, le prêtre, avant de se retourner vers le peuple, doit se laver les mains et l’eau est jetée dans un lieu sacré destiné à cet usage. » « Cependant, dit M. l’abbé Crosnier[5], par respect pour les Saintes Espèces, déjà avant le XIIIe siècle, on trouve dans les ordres religieux l’usage de prendre les ablutions ; il paraissait inconvenant de verser dans la même piscine l’eau qui avait servi à laver les mains avant la préface, et le liquide employé pour la purification du calice et des doigts après les Saints Mystères ; aussi on trouve dans les anciennes coutumes de Cluny trois ablutions prises par le prêtre après la communion, une pour le calice et deux pour les mains… »

Le pape Innocent III ayant décidé que les ablutions devaient être

  1. Cette rinçure était probablement jetée dans la piscine.
  2. Page 315.
  3. Rational des divins offices, liv. I, chap. xxxix.
  4. 1849, tome V de la 2e série, p. 55.
  5. Loc. cit.