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d’une proportion parfaitement en rapport avec la grande rose qui s’ouvre sur le transsept. Cette composition ne fut pas surpassée. Le pignon méridional de la cathédrale d’Amiens, élevé vers le milieu du XIVe siècle, présente cependant une disposition originale qui se rapproche de la composition du pignon de Vézelay. Le grand triangle est divisé verticalement par des piles formant comme une suite de contre-forts ornés de statues et de pinacles, et entre lesquels s’ouvrent des jours qui éclairent le comble. Mais là les détails, trop petits d’échelle, sont confus et n’offrent plus cette simplicité de lignes que nous admirons à Paris et même à Vézelay. Pour ne pas laisser isoler ces grands triangles, on eut quelquefois l’idée, au XIVe et au XVe siècle, de les épauler par des galeries à jour ou aveugles qui réunissent leurs rampants aux pyramidions ou tourelles d’épaulement. Un des pignons les mieux composés en ce genre est celui de la façade principale de l’église Saint-Martin de Laon, qui date de la fin du XIIIe siècle ou du commencement du XIVe. Nous en donnons (fig. 12) une vue perspective. Voulant donner une grande importance aux deux tourelles flanquantes, l’architecte a senti que le pignon entre ces deux clochetons paraîtrait maigre ; aussi l’a-t-il accompagné d’une galerie aveugle qui termine ainsi, comme masse, carrément le portail, et cependant il n’a pas voulu mentir au principe, et a fait reparaître la trace du comble à travers cette galerie.

Un peu avant la construction de Saint-Martin de Laon, le célèbre architecte Libergier, pendant la seconde moitié du XIIIe siècle, avait élevé, sur le portail de l’église de Saint-Nicaise à Reims, un pignon relié aux deux tours de la façade par une galerie à jour, ce qui était bien plus vrai que le parti adopté à Saint-Martin de Laon. Cette galerie mettait d’ailleurs en communication les étages supérieurs des clochers[1]. Le pignon de Saint-Nicaise de Reims était percé de trois œils circulaires éclairant le comble, et son nu était décoré d’une imbrication, dernier vestige de cette tradition romane que nous voyons acceptée franchement dans le pignon de l’église de Saint-Étienne de Beauvais, donné plus haut, et dans des pignons des provinces du Centre et de l’Ouest. Comme à la cathédrale de Reims, le pignon occidental de l’église de Saint-Nicaise était doublé, se répétait au droit des faces postérieures des tours, et ce second pignon était, comme celui antérieur, relié aux tours par une galerie à jour semblable à celle de la face. On conçoit combien cette claire-voie doublée devait produire d’effet en perspective. Nous donnons (fig. 13) un géométral du pignon de Saint-Nicaise[2]. Il faut dire que les colonnettes supportant la galerie étaient jumelles, afin de donner l’épaisseur nécessaire au passage courant sur l’arcature (voy. le détail en coupe A).

  1. Voy. Clocher, fig. 75.
  2. Voyez la gravure précieuse de De Son, Rémois (1625). Cette belle et unique église dans son genre a été détruite, sans raison comme sans nécessité, au commencement du siècle.